Economie

le Maroc envisage des mesures antidumping pour protéger son industrie locale

Confronté à un afflux massif de résine de PVC égyptienne vendue à des prix bas, le Maroc décide de réagir. Une enquête du ministère de l’Industrie et du Commerce met en lumière un dumping avéré, responsable de lourdes pertes pour les producteurs locaux. Pour préserver son tissu industriel et rétablir des conditions de concurrence équitables, le gouvernement envisage l’instauration de mesures antidumping provisoires dans les semaines à venir.

Le ministère de l’Industrie et du Commerce a récemment publié les conclusions préliminaires d’une enquête antidumping visant les importations de résine de PVC en provenance d’Égypte. Cette procédure, déclenchée le 27 novembre 2024, répond à une demande de la branche de production nationale (BPN), qui affirme subir une concurrence déloyale émanant de fournisseurs égyptiens. Les éléments collectés confirment l’existence d’un dumping manifeste, responsable d’un dommage important pour l’industrie marocaine.

Le produit visé est une résine de polychlorure de vinyle (PVC) obtenue par polymérisation en suspension du monomère de vinyle (MVC), répertoriée sous la position tarifaire douanière 39.04.10.90.00. Il s’agit d’un composant essentiel dans de nombreux secteurs industriels tels que la construction, les travaux publics, les emballages et les infrastructures.

Deux entreprises égyptiennes ont été ciblées dans le cadre de l’enquête : Egyptian Petrochemicals Company (EPC), qui a pleinement coopéré avec les autorités marocaines, et TCI Sanmar Chemicals S.A.E, qui n’a pas fourni les données attendues. Cette différence de comportement a directement influencé les marges de dumping calculées. EPC s’est vue attribuer une marge provisoire de 18,29 % sur la base des informations transmises, tandis que TCI Sanmar a écopé d’un taux de 27,56 %, fondé sur les « faits disponibles », en raison de son absence de coopération.

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Cependant, ces marges ont été réévaluées à la hausse dans le cadre des mesures provisoires actuellement envisagées. Les nouvelles estimations font état d’une marge de dumping de 74,87 % pour EPC et de 92,19 % pour les autres producteurs-exportateurs égyptiens, traduisant l’ampleur du déséquilibre observé sur le marché.

L’enquête a mis en évidence une progression significative des importations de PVC égyptien, aussi bien en termes de volumes qu’en proportion par rapport à la production et à la consommation nationales. Ces flux croissants ont été accompagnés d’une politique de prix systématiquement inférieurs à ceux pratiqués sur le marché marocain. Cette sous-cotation constante a empêché les fabricants locaux d’ajuster leurs propres tarifs, limitant leurs marges et réduisant leur capacité à investir ou à se moderniser.

Les effets ont été immédiats pour la BPN. Plusieurs indicateurs ont connu une dégradation notable : la production a diminué, les ventes ont reculé, le taux d’utilisation des capacités industrielles a chuté, et la rentabilité globale du secteur s’est effritée. Cette dynamique a exposé les producteurs marocains à une concurrence qu’ils jugent déloyale, mettant en péril leur viabilité économique.

À l’issue d’une analyse rigoureuse des données disponibles, le ministère a établi un lien de causalité direct entre la hausse des importations à bas prix et le dommage subi par l’industrie nationale. D’autres causes potentielles, comme des problèmes de gestion interne ou une contraction de la demande, ont été étudiées, puis écartées comme facteurs déterminants. C’est donc bien le dumping qui est identifié comme l’origine principale des difficultés rencontrées.

Sur la base de ces constats, et soutenu par l’avis favorable de la Commission de surveillance des importations, le ministère envisage désormais d’imposer des droits antidumping provisoires. Ces mesures, qui visent à rétablir des conditions de concurrence équitables, sont alignées sur les marges de dumping constatées, à savoir 74,87 % pour EPC et 92,19 % pour les autres producteurs-exportateurs.

Dans le cadre du processus en cours, les parties intéressées ont la possibilité de faire valoir leur point de vue. Elles disposent d’un délai courant jusqu’au 22 mai 2025 à 16h (GMT+1) pour transmettre leurs observations écrites, apporter des commentaires ou fournir des compléments d’information. Une version non confidentielle du rapport préliminaire est consultable, et toute contribution doit être accompagnée des coordonnées complètes des entités concernées.

Cette phase de consultation constitue la dernière étape de la procédure préliminaire. Les conclusions finales de l’enquête, attendues dans les prochains mois, détermineront si le Maroc décidera de rendre ces mesures définitives, en instaurant un dispositif pérenne de protection contre le dumping égyptien dans le secteur du PVC.

Ce dossier pourrait faire jurisprudence dans la stratégie commerciale marocaine. Il illustre à la fois la capacité des institutions nationales à réagir face à des pratiques commerciales agressives, et la volonté de préserver le tissu industriel tout en respectant les engagements internationaux du pays. Le recours à des instruments de défense commerciale devient ici un levier essentiel pour garantir un environnement concurrentiel équitable et protéger les emplois et les investissements à l’échelle locale.

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