Economie

L’économie parallèle met la filière sous pression

Au Maroc, le marché parallèle des hydrocarbures n’est plus un phénomène marginal : il s’impose désormais comme un sujet central. D’un simple phénomène périphérique, il a pris une ampleur qui perturbe aujourd’hui l’équilibre d’un secteur essentiel à l’économie et à la mobilité nationale. L’essor de dépôts clandestins, de citernes installées dans des chantiers et de stations mobiles informelles met en évidence les fragilités d’un réseau légal qui peine à rivaliser sur un terrain inégal.

Les propriétaires de stations-service agréées rappellent depuis plusieurs mois que leur modèle repose sur des charges lourdes : fiscalité, normes de sécurité, obligations contractuelles. À l’inverse, les circuits informels échappent à ces contraintes, tout en profitant d’un différentiel de prix qui leur confère un avantage décisif. En effet, les ventes directes en gros bénéficient de rabais allant jusqu’à deux dirhams par litre, tandis que les stations-service doivent se contenter d’une réduction limitée, de l’ordre de 40 centimes. Dans ce contexte, la revente illicite devient une activité particulièrement rentable, alimentant une dynamique parallèle qui attire aussi bien des entreprises que des particuliers.

Ce déséquilibre ne se limite pas aux aspects financiers. Il en va également de la sécurité publique. Les installations non conformes, qu’elles soient visibles ou dissimulées, représentent des risques d’incendie, d’explosion et de pollution. Chaque litre de carburant stocké ou vendu en dehors de tout contrôle réglementaire accroît ces dangers, avec des conséquences potentielles graves pour les riverains comme pour les travailleurs.

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Pour répondre à cette problématique, le ministère de tutelle a mis en avant l’idée d’un dispositif de traçabilité. L’introduction d’un traceur chimique dans les carburants permettrait de suivre la circulation des produits et de détecter plus facilement les fraudes. Sur le principe, cette approche va dans le sens d’un renforcement des contrôles. Toutefois, sa réussite dépend de la mise en place effective d’infrastructures spécialisées, comme des laboratoires capables de réaliser ces analyses. Sans ces moyens, la traçabilité risque de rester une solution théorique, difficilement applicable sur le terrain.

Le marché parallèle, en réalité, révèle un double enjeu : économique et institutionnel. Économique, car il met en lumière les distorsions tarifaires et la fragilité d’un modèle légal contraint par des charges élevées. Institutionnel, car il pose la question de l’encadrement et de la régulation d’un secteur vital. La croissance d’un circuit informel incontrôlé ne peut être considérée comme un simple phénomène conjoncturel. Elle interpelle quant à la nécessité de trouver un équilibre entre compétitivité, équité et sécurité.

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L’avenir du secteur dépendra de la capacité à rétablir cet équilibre. Protéger le réseau officiel, c’est préserver non seulement les investissements consentis par des centaines de professionnels, mais aussi la sécurité des citoyens et la stabilité d’un marché stratégique. Laisser perdurer une économie parallèle, en revanche, reviendrait à affaiblir un maillon essentiel de la chaîne énergétique du Royaume.

Le dossier des hydrocarbures agit ici comme un révélateur : au-delà des prix, c’est une vision d’ensemble qui doit être repensée. La régulation, la concertation et la transparence apparaissent comme les clés d’un secteur qui ne peut se permettre de rester à la merci d’une économie de l’ombre.

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