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Le Maroc face à une confiance en berne

Malgré des avancées constitutionnelles et institutionnelles, la participation politique au Maroc demeure faible. Le rapport « Global State of Democracy 2025 » de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA), publié en septembre 2025, met en évidence une défiance persistante envers les institutions, aggravée par des obstacles socio-économiques et territoriaux. Cette réalité soulève des interrogations sur l’efficacité des réformes et sur la capacité du système à offrir un cadre inclusif aux citoyens, notamment aux jeunes, qui expriment un désir d’engagement pourtant manifeste.

La participation politique au Maroc demeure à un niveau préoccupant qui soulève des interrogations au sein des institutions et de la société. Selon le rapport « Global State of Democracy 2025 » de l’IDEA, le Royaume occupe la 96ᵉ place mondiale sur 173 pays avec un score de 0,531 sur une échelle de 1. Ce résultat représente une légère amélioration par rapport au 0,49 enregistré en 2023, mais reste insuffisant au regard des aspirations citoyennes.

Selon le rapport, l’évolution historique de la participation politique au Maroc révèle une stagnation inquiétante. Entre 2005 et 2008, le score avait progressé de 0,53 à 0,58, mais les années suivantes ont été marquées par un déclin, notamment entre 2014 et 2023 où il est passé de 0,58 à 0,49. La remontée récente à 0,531 en 2024 ne suffit pas à inverser une tendance déclinante révélatrice d’une difficulté structurelle à consolider la démocratie participative.

Dans le contexte africain, cette 96ᵉ position situe le Maroc au niveau régional dans une tendance moyenne sans distinction particulière, puisque des pays comme Maurice (51ᵉ), le Rwanda (63ᵉ) ou le Botswana (67ᵉ) affichent des performances nettement supérieures. De même, en Afrique du Nord, le Maroc devance l’Égypte et la Tunisie mais se retrouve au même niveau que l’Algérie.

Par ailleurs, selon l’IDEA, les chiffres de participation électorale constituent l’un des points les plus faibles. Le Maroc figure parmi les 25 % de pays les moins performants dans ce domaine. Les jeunes sont particulièrement touchés par cette désaffection, avec seulement 24 % de participation chez les 18-24 ans lors des élections de 2021, selon une enquête publiée le 28 février 2025 par Friedrich Naumann Foundation intitulée « L’engagement politique des jeunes au Maroc ».

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Au-delà du vote, la démocratie locale souffre de carences persistantes. Malgré les réformes de décentralisation prévues par la Constitution de 2011, les collectivités territoriales disposent de capacités limitées, tandis que la centralisation reste dominante. Le rapport IDEA classe le Maroc parmi les 25 % de pays les moins performants en matière de démocratie locale.

Par ailleurs, les obstacles institutionnels jouent un rôle déterminant dans cette faible implication. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) souligne que la complexité des mécanismes participatifs constitue l’une des principales entraves. La notion imprécise d’« intérêt général » dans le cadre des pétitions, l’obligation d’inscription sur les listes électorales pour signer ou encore la lourdeur des procédures freinent les initiatives citoyennes. D’après un avis du CESE publié en 2024, depuis 2011, seules 13 pétitions nationales et 4 motions législatives ont été déposées, tandis que 694 pétitions locales ont été recensées en 2022.

Les Marocains s’éloignent de la vie politique…

La méfiance généralisée envers les institutions accentue encore le problème. Selon les chiffres de la Banque mondiale publiés en 2021, 61 % des Marocains déclarent ne pas avoir confiance dans le Parlement, 27,3 % ne font pas confiance au gouvernement et 23,56 % expriment une défiance envers le système judiciaire. De plus, le baromètre MIPA 2023 confirme cette tendance puisque seulement 43 % des sondés disent avoir confiance dans le gouvernement, contre 69 % en 2022. Dans ce climat de défiance, 63 % des citoyens estiment que leur voix ne change rien aux décisions, ce qui nourrit un cercle vicieux de désengagement.

En outre, contrairement aux clichés qui décrivent les jeunes comme apathiques, les données révèlent qu’ils souhaitent s’engager si un cadre adapté leur est offert. Plus de 60 % d’entre eux affirment vouloir participer à la vie publique s’ils disposent de ressources, d’espaces de dialogue et d’une reconnaissance institutionnelle selon une enquête menée en 2024 par l’association « Les Citoyens », dans le cadre d’une tournée nationale. Cependant, l’offre politique reste peu attractive et les institutions souffrent d’un déficit de crédibilité.

De surcroît, la faible participation politique ne constitue donc pas seulement un défi institutionnel, mais aussi un problème social profond. Elle accentue la fracture entre citoyens et institutions, marginalise des catégories entières de la population et affaiblit la légitimité des politiques publiques. Les conseils municipaux, qui bénéficient d’un taux de confiance de 62 %, montrent pourtant que la proximité peut jouer un rôle crucial dans la reconstruction de la confiance.

D’après des experts, les réformes nécessaires pour sortir de cette impasse reposent sur la simplification des procédures de participation, la digitalisation inclusive des mécanismes, la lutte contre la corruption, le renforcement de la démocratie locale et la valorisation de l’engagement citoyen. Ils ajoutent que, sans une action ambitieuse et cohérente, le Maroc risque de rester prisonnier d’un cercle vicieux où l’exclusion économique et sociale nourrit la défiance politique et où la méfiance institutionnelle freine l’engagement démocratique.

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