Economie

vers une libéralisation complète du régime de change en 2026

Le Maroc prépare l’une des réformes financières les plus audacieuses de son histoire récente : l’élargissement du flottement du dirham jusqu’à une quasi-libéralisation prévue en 2026. Si cette mutation vise à renforcer la compétitivité et la résilience économique, elle soulève des craintes quant à l’érosion du pouvoir d’achat et à la stabilité sociale.

La Banque centrale marocaine, Bank Al-Maghrib (BAM), a amorcé dès 2018 une ouverture progressive du régime de change. Le dirham, jusqu’alors strictement encadré, fluctue désormais dans une bande élargie de ±5 % autour d’un panier composé majoritairement d’euros et de dollars. Cette évolution graduelle devait accoutumer entreprises et ménages à une plus grande variabilité des taux de change.

Ce choix s’est imposé dans un contexte marqué par la pandémie de Covid-19, les sécheresses successives et les effets de la guerre en Ukraine sur les prix de l’énergie. Malgré ces chocs, le Maroc a préservé la stabilité de son système financier et maintenu l’inflation à des niveaux inférieurs à ceux de nombre d’économies émergentes.

L’émancipation du dirham est d’abord une stratégie de souveraineté économique. Une monnaie plus flexible permettrait de mieux absorber les chocs externes – flambée du pétrole, volatilité de l’euro – sans puiser excessivement dans les réserves de change.

Les secteurs tournés vers l’exportation y trouveraient un avantage compétitif. Les véhicules assemblés à Tanger, les engrais phosphatés de l’OCP ou encore les productions agricoles seraient plus attractifs pour les marchés extérieurs. À cela s’ajoute un signal adressé aux investisseurs étrangers : une devise régie par les forces du marché inspire confiance et crédibilité.

Le Maroc cherche ainsi à consolider son statut de hub industriel et énergétique régional, en phase avec les grands chantiers d’infrastructures et les préparatifs de la Coupe du monde 2030.

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Quid du pouvoir d’achat ?

Les bénéfices escomptés ne doivent pas masquer les risques. Un dirham affaibli renchérit le coût des importations – carburants, blé, médicaments – qui représentent une part essentielle de la consommation nationale. Les ménages modestes, déjà fragilisés par l’inflation alimentaire, seraient les premiers touchés.

Les PME dépendantes d’équipements ou de matières premières importées subiraient également une hausse de leurs coûts, avec un impact direct sur leur compétitivité. De plus, la libéralisation réduit la capacité de BAM à contenir les fluctuations, laissant place à l’influence accrue des marchés et des mouvements spéculatifs.

La prévisibilité, qui a longtemps caractérisé le dirham – notamment pour la diaspora habituée à un taux proche de 10 dirhams pour un euro – pourrait s’estomper. Une monnaie forte pénaliserait les transferts et renchérirait les séjours au Maroc, tandis qu’une monnaie faible alourdirait la facture des importations.

Consciente des risques sociaux, Rabat privilégie la progressivité. La libéralisation totale sera accompagnée de dispositifs d’amortissement : aides ciblées, subventions temporaires ou mesures de soutien aux ménages vulnérables.

Le FMI et la Banque mondiale encouragent cette réforme, estimant que les fondamentaux macroéconomiques sont favorables : inflation maîtrisée, réserves de change solides, flux d’investissements soutenus. Mais les institutions internationales avertissent que la réussite dépendra de la clarté de la communication publique et de la protection sociale.

La libéralisation du dirham représente un pari autant économique que politique. Bien menée, elle renforcera la stabilité extérieure du Maroc, ouvrira des marges de compétitivité et attirera des capitaux. Mal encadrée, elle risquerait de fragiliser les classes moyennes et d’alimenter des tensions sociales.

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