Comment éviter l’engrenage du surendettement
Si le crédit constitue un soutien indéniable, il fait aussi peser un risque grandissant de surendettement. Entre chiffres alarmants et dispositifs de prévention, les autorités publiques et les acteurs financiers ont déployé plusieurs dispositifs, conciliant inclusion financière, soutien à la consommation et discipline budgétaire.
Rentrée scolaire oblige, le recours au crédit à la consommation s’impose comme une solution immédiate pour bien des ménages. Les banques et sociétés de financement enregistrent d’ailleurs un pic de demandes entre la mi-août et début septembre, reflet d’une dépendance croissante des familles à ce mode de financement. Cela comporte des risques, notamment en matière de surendettement. La catégorie la plus exposée reste la classe moyenne dite «B-», définie par le Haut-Commissariat au Plan comme «vulnérable».
Cette frange de la population n’est ni assez pauvre pour bénéficier d’une aide sociale, ni suffisamment aisée pour absorber aisément les chocs budgétaires. Avec des charges fixes comme le logement et les factures qui absorbent la majorité des revenus, le «reste à vivre» se réduit comme peau de chagrin.
Dans bien des cas, il se rapproche dangereusement de la limite des 30% d’endettement recommandée par les banques pour maintenir un équilibre budgétaire (voir Les Inspirations ÉCO du 11 août 2025). Les chiffres de Bank Al-Maghrib sont parlants. En 2024, près d’un tiers des 439.780 dossiers de crédit concernaient des ménages dont la dette dépasse 40% du revenu mensuel. Plus alarmant encore, 23% des emprunteurs affichent un endettement supérieur à 70%, un seuil critique pour la stabilité financière.
Dans le même temps, les créances en souffrance ont atteint 44,5 milliards de dirhams, en hausse de 6,6% sur un an, confirmant la fragilité des finances des ménages. La dette totale des ménages s’élève désormais à 427 milliards de dirhams, dont 38% en crédits à la consommation. Avec un encours de 162 milliards de dirhams, ce segment enregistre une croissance annuelle de 7,9%, tirée principalement par les sociétés de financement spécialisées. Contrairement aux idées reçues, le surendettement ne touche pas uniquement les ménages modestes.
Les foyers disposant de revenus supérieurs à 10.000 dirhams par mois concentrent 60% des prêts accordés, mais leur taux d’endettement reste relativement contenu, autour de 31%. Les revenus intermédiaires, situés entre 4.000 et 10.000 dirhams, apparaissent en revanche plus fragiles : leur taux d’endettement varie de 35 à 37%, traduisant une pression budgétaire plus forte.
D’un point de vue socioprofessionnel, les fonctionnaires demeurent les plus exposés avec un endettement moyen de 40,7%. Ils sont suivis par les salariés du secteur privé, qui affichent un taux moyen de 31%, un niveau comparable à celui observé chez les retraités et les professions libérales. Les durées de remboursement s’allongent et se concentrent de plus en plus sur la tranche de cinq à sept ans. Cette stratégie permet certes de réduire le montant des mensualités, mais elle renchérit considérablement le coût total du crédit.
Face à cette situation, les autorités publiques et les acteurs financiers ont déployé plusieurs initiatives pour limiter les risques. La Stratégie nationale d’inclusion financière (SNIF), lancée en 2018, vise à renforcer l’accès des populations vulnérables aux services financiers. Elle met en avant la transparence, la protection du consommateur et la gestion efficace des réclamations.
De son côté, Bank Al-Maghrib a instauré une centrale des risques destinée à consolider les données d’endettement des clients, permettant aux établissements de mieux évaluer la solvabilité avant d’accorder un crédit. Le ministère des Finances, pour sa part, a insisté sur la transparence des offres de financement et sur la mise en place de mécanismes de traitement des situations de surendettement.
Malgré ces efforts, le dernier rapport de Bank Al-Maghrib souligne que l’endettement des ménages représente désormais 27% du PIB, un niveau élevé pour un pays émergent. Le défi reste donc de maintenir un accès au financement, indispensable pour soutenir la consommation et la croissance, tout en évitant que de plus en plus de ménages ne basculent dans le surendettement chronique.
Le crédit à la consommation s’impose aujourd’hui comme un outil incontournable pour accompagner les ménages marocains, particulièrement lors de la rentrée scolaire. Mais son usage doit impérativement s’inscrire dans une logique de responsabilité et de prévention. La combinaison d’une régulation plus stricte, d’une éducation financière renforcée et d’outils digitaux de gestion budgétaire constitue la meilleure réponse pour protéger les familles sans freiner la dynamique de consommation.
La prévention par l’éducation
Au-delà de la régulation, la prévention du surendettement passe par une meilleure responsabilisation des emprunteurs. L’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) a multiplié les campagnes d’éducation financière, visant à expliquer les risques liés au crédit et à améliorer la compréhension des produits financiers par le grand public.
La Fondation marocaine pour l’éducation financière (FMEF), quant à elle, propose des outils pratiques, tels que des simulateurs de budget, qui permettent aux ménages d’évaluer leur capacité d’endettement avant de s’engager.
Parallèlement, des formations spécialisées sont également proposées aux professionnels du secteur bancaire et financier afin de renforcer leurs compétences en matière de prévention et de gestion des cas de surendettement. Des programmes de formation spécifiques sont désormais proposés pour accompagner les particuliers dans la gestion de leur budget. Parmi eux, des sessions intitulées «Surendettement : traiter efficacement toute situation» sont prévues pour la fin de l’année 2025.
Ilyas Bellarbi / Les Inspirations ÉCO