Economie

les économistes istiqlaliens déclinent leur feuille de route

À l’heure où le Maroc s’apprête à dévoiler les contours de son projet de loi de Finances (PLF) 2026, l’Alliance des économistes istiqlaliens (AEI) publie un document programmatique qui entend concilier discipline budgétaire et expansion sociale. Derrière cette proposition, huit axes structurants pour inscrire le pays dans une trajectoire d’émergence maîtrisée.

L’AEI met en avant une priorité claire : la consolidation de l’État social. Le Registre social unifié (RSU) est appelé à devenir l’outil central du ciblage des aides, à condition que les critères d’éligibilité soient affinés. L’organisation plaide pour une prise en charge accrue des populations vulnérables, en élargissant la couverture médicale, en doublant l’allocation aux personnes en situation de handicap et en dotant le système de santé de structures modernes, à l’image d’une Agence nationale du sang. Le financement des services sociaux devrait par ailleurs impliquer davantage les conseils régionaux, renforçant la territorialisation de l’action publique.

Face à une inflation durable qui érode les revenus, l’AEI avance des propositions fiscales ciblées. Révision des tranches de l’impôt sur le revenu, indexation des salaires sur le coût de la vie, déductibilité des frais de scolarité : autant de mesures destinées à desserrer l’étau sur les classes moyennes. L’organisation souhaite également stimuler l’épargne populaire en rehaussant les plafonds des produits dédiés, afin de canaliser une partie de l’épargne domestique vers le financement de l’économie.

La question territoriale occupe une place centrale dans les recommandations. L’AEI insiste sur l’autonomie alimentaire et propose de plafonner certaines exportations agricoles stratégiques pour sécuriser le marché intérieur. Le développement du stockage, de la transformation locale et d’un tourisme rural simplifié figure au programme, tout comme la réduction des coûts d’accès à Internet et la création de coopératives exonérées d’impôts.

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L’approche des infrastructures se veut plus intégrée. Outre les routes rurales, l’AEI appelle à renforcer les réseaux ferroviaires régionaux, à multiplier les maisons de santé pluridisciplinaires et à développer la télémédecine. Les internats et transports scolaires sont érigés en priorité, tout comme l’extension de la couverture numérique et la construction d’ouvrages hydriques de proximité. La création d’un Observatoire national du développement des territoires viendrait assurer un suivi transparent et mesurable.

L’emploi et l’investissement privé comme relais de croissance

Avec un chômage persistant, en particulier chez les jeunes diplômés et les femmes, l’AEI plaide pour une série d’incitations : élargissement du programme Tahfiz, exonérations sociales temporaires, généralisation des inscriptions des chômeurs via une application dédiée. L’accent est mis sur les « emplois verts » – plantation d’arbres, ceintures vertes urbaines, lutte contre le plastique – qui s’inscrivent dans une logique de développement durable.

L’Alliance insiste sur la nécessité de renforcer le rôle du secteur privé. La charte de l’investissement, encore en phase de déploiement, doit devenir pleinement opérationnelle. Le régime des auto-entrepreneurs devrait être révisé pour accompagner leur montée en puissance vers des structures plus solides. Les partenariats avec les instituts de recherche sont présentés comme un levier décisif pour stimuler l’innovation et la productivité.

Dans un contexte de marges budgétaires contraintes, l’AEI propose une mobilisation accrue des ressources internes : hausse de la part de TVA destinée aux collectivités territoriales, valorisation du patrimoine public, création de sociétés foncières régionales et introduction d’une redevance minière. L’objectif est de renforcer l’autonomie financière des territoires tout en sécurisant le financement des grands chantiers.

Enfin, l’organisation recommande de poursuivre les investissements structurants, en particulier dans l’eau, l’énergie et la mobilité, tout en établissant une hiérarchie claire des priorités. La Coupe du monde 2030, horizon mobilisateur, impose des choix d’infrastructures dont l’impact socio-économique devra être scruté. L’AEI suggère la mise en place d’un comité indépendant chargé d’évaluer la soutenabilité de la dette et l’efficacité des politiques publiques, renforçant ainsi la transparence.

L’ensemble de ces propositions s’inscrit dans un cadre macroéconomique volontariste : croissance visée de 4,5 % et déficit budgétaire ramené à 3 % du PIB en 2026. Si le réalisme de ces hypothèses dépendra de la conjoncture internationale et de la discipline interne, l’AEI pose les jalons d’un débat crucial : comment articuler un État social élargi avec des finances publiques sous tension.

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