Art & Culture

Le Maroc déploie son soft power culturel

Porté par une jeunesse foisonnante et des politiques publiques de plus en plus affirmées, le Maroc érige la création artistique en levier stratégique d’influence. De Casablanca à Dakhla, en passant par les scènes de Marrakech et d’Essaouira, le Royaume entend affirmer sa singularité culturelle sur les scènes africaine, européenne et moyen-orientale, consolidant un soft power en pleine maturation, au croisement de la musique, du cinéma et de la mode.

Le Maroc s’impose aujourd’hui comme un acteur culturel majeur sur la scène internationale, en s’appuyant sur une stratégie bien pensée de soft power. À travers sa musique, son cinéma et son patrimoine, le Royaume projette une image de modernité ancrée dans la tradition, qui séduit aussi bien l’Afrique que l’Europe et le Moyen-Orient. Cette dynamique est le fruit d’une convergence entre initiatives institutionnelles et effervescence créative populaire.

En premier lieu, la musique marocaine constitue un levier fondamental de ce rayonnement. Le Festival Gnaoua et Musiques du Monde d’Essaouira, inscrit depuis 2019, au patrimoine immatériel de l’UNESCO, a permis de réunir plus de 300.000 spectateurs en juin 2025. Sa programmation, mêlant Maâlems gnaoua et artistes internationaux, illustre la richesse du patrimoine musical marocain et sa portée universelle.

En outre, des artistes marocains connus à l’échelle internationale portent la pop urbaine marocaine sur les plateformes de streaming mondiales, tandis que l’État soutient leur diffusion par plus de 150 événements culturels annuels à l’étranger, selon le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger.

Dans le prolongement de cet effort musical, le cinéma marocain joue un rôle central dans la diplomatie culturelle du pays. Le Festival international du film de Marrakech est devenu une vitrine essentielle pour le cinéma africain et arabe, attirant, chaque année, des figures emblématiques du septième art. Ce rayonnement artistique est accompagné d’un impact économique notable, en particulier la région de Ouarzazate, surnommée « Hollywood du désert », a généré près de 1,5 milliard de dirhams en 2024 grâce aux tournages internationaux, selon des chiffres relayés par les médias.

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Du patrimoine artisanal aux podiums internationaux

Le Maroc figure ainsi parmi les dix premiers pays hôtes de productions cinématographiques mondiales, grâce à ses paysages variés et à ses infrastructures cinématographiques adaptées. Par ailleurs, l’intérêt croissant des Marocains pour leur propre production nationale se reflète dans l’augmentation des recettes des salles de cinéma, passées de 77 millions de dirhams en 2022 à 127 millions en 2024, selon le bilan annuel publié par le Centre cinématographique marocain (CCM), le 1er juillet 2025. De même, la fréquentation est passée de 1,7 million de spectateurs en 2023 à 2,2 millions en 2024, illustrant un renouveau du public et une consommation accrue de contenu local.

Sur le plan géographique, l’impact de ce soft power culturel est différencié mais cohérent. En Afrique, Rabat a été désignée capitale culturelle africaine en 2020, et les Semaines culturelles marocaines renforcent des partenariats Sud–Sud dans une optique panafricaine. En Europe, le Maroc se distingue par sa participation régulière aux Salons du livre à Paris et à Berlin, par l’ouverture du Centre culturel du Maroc à Paris, en 2018, ainsi que par la programmation d’expositions à l’Institut du Monde arabe. Ces initiatives structurent une diplomatie culturelle forte, fondée sur la visibilité et la coopération.

En outre, au Moyen-Orient, le Maroc capitalise sur sa proximité culturelle pour promouvoir ses créateurs à la Fashion Week de Dubaï, exporter ses musiques traditionnelles comme gnaoua et coproduire des films avec des pays arabes, renforçant ainsi le dialogue interculturel.

Ainsi, en conjuguant créativité contemporaine et héritage ancestral, le Maroc déploie une stratégie culturelle cohérente, à la fois populaire et institutionnelle. Ce soft power lui permet non seulement d’asseoir son image à l’international, mais aussi d’élargir sa sphère d’influence dans un monde où l’attractivité culturelle devient un enjeu stratégique. Au-delà de la simple valorisation de son identité, le Royaume montre que la culture peut être un outil de diplomatie puissant, contribuant à tisser des liens durables entre les peuples.

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