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Le ministère de la Justice passe à l’action

Confronté à une série de dysfonctionnements affectant l’accès des citoyens les plus modestes à la justice, le ministère dirigé par M. Abdellatif Ouahbi envisage une réforme en profondeur du système d’aide judiciaire. Jugée urgente et incontournable, cette refonte vise à lever les obstacles financiers et administratifs qui entravent le recours effectif aux tribunaux.

Lors d’une récente intervention au Parlement, le ministre de la Justice a souligné que le dispositif actuel souffre de lourdeurs administratives, de délais excessifs, d’un financement insuffisant et d’un manque de transparence. Le but affiché de cette réforme est de permettre à chaque citoyen, quel que soit son revenu, de faire valoir ses droits devant la justice dans des conditions dignes et conformes à la Constitution de 2011.

Selon les médias, le ministre a relevé d’abord la complexité des démarches. L’accès à l’aide judiciaire exige la présentation d’un grand nombre de pièces justificatives, souvent difficiles à réunir, surtout pour les personnes vivant en milieu rural ou ayant un faible niveau d’instruction. Ce formalisme excessif, conjugué à une méconnaissance des procédures, pousse de nombreux justiciables parmi les plus vulnérables à renoncer d’eux-mêmes à leurs droits.

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La lenteur dans le traitement des demandes constitue également un frein au recours aux tribunaux. Les délais peuvent s’étendre sur plusieurs mois, en contradiction avec le principe constitutionnel de célérité de la justice. D’après le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, seuls 72 % des affaires civiles, foncières et sociales respectent les délais indicatifs, contre 75 % pour les affaires pénales et 77,5 % pour les dossiers commerciaux. Autrement dit, près d’un tiers des justiciables fait face à des retards significatifs, compromettant leur droit à un procès équitable.

Par ailleurs, la question budgétaire reste également un point sensible. Selon les médias, jusqu’en 2021, le budget annuel de l’aide judiciaire ne dépassait pas 15 millions de dirhams. En 2023, il a été doublé à 30 millions, une avancée saluée mais jugée insuffisante face à la demande croissante. Le ministre appelle à la mise en place d’un mécanisme de financement plus transparent et mieux ciblé, en conformité avec l’article 121 de la Constitution, qui garantit l’accès gratuit à la justice dans les cas prévus par la loi.

Les honoraires des avocats constituent un autre enjeu. Actuellement fixés à 3 500 dirhams pour une affaire portée devant la Cour de cassation, 3 000 dirhams devant les cours d’appel et 2 500 dirhams devant les tribunaux de première instance, selon des informations relayées par la presse. Ces montants sont jugés inadaptés par les professionnels, estimant qu’ils ne traduisent ni la complexité des dossiers ni le temps consacré à leur traitement. Le ministre souligne que ces barèmes peuvent être révisés tous les deux ans, par décision conjointe du ministère de la Justice et du ministère de l’Economie et des Finances, en concertation avec les instances représentatives de la profession.

À ces frais s’ajoutent d’autres coûts, qui alourdissent encore le parcours judiciaire, notamment 5.000 dirhams de caution pour un pourvoi en cassation (contre 1.000 dirhams auparavant), 100 dirhams de taxe judiciaire pour un jugement, ou encore 50 dirhams pour une demande en récusation. Ces charges, cumulées aux honoraires non couverts par l’aide judiciaire, pèsent lourdement sur les budgets modestes. Toutefois, le ministère a lancé une étude globale pour repenser entièrement le modèle d’aide judiciaire. L’ambition est de créer un système plus souple, plus rapide et mieux adapté aux réalités sociales du pays.

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