Economie

Bilans contrastés deux ans après l’entrée en vigueur de la loi

Deux ans après l’entrée en vigueur de la loi 69.21 sur les délais de paiement, les comportements évoluent lentement. Si les grandes entreprises affichent une meilleure discipline, les retards persistent dans les secteurs à faible structuration. L’efficacité du dispositif reste conditionnée à la généralisation du contrôle, à la digitalisation et à l’instauration d’une culture du paiement.

À fin 2023, Bank Al-Maghrib estimait le délai moyen de paiement à 96 jours, contre 112 un an plus tôt. Ce repli demeure insuffisant, au regard de la norme de 60 jours instaurée par la nouvelle législation entrée en vigueur le 1er juillet 2023. Les grandes entreprises, notamment dans les secteurs régulés comme les télécommunications, l’assurance ou l’énergie, ont commencé à internaliser les exigences de la loi. En revanche, les TPE et PME, qui représentent plus de 93 % du tissu productif selon le HCP, rencontrent encore des difficultés structurelles d’adaptation.

Les premiers résultats transmis par la Direction générale des impôts révèlent que 80 % des déclarations de délais de paiement proviennent de l’axe Tanger–El Jadida, et que 70 % des entreprises déclarantes réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 200 millions de dirhams. Cependant, 52,3 % n’ont déclaré aucun dépassement de délai, ce qui interroge sur la sincérité et l’exhaustivité des reporting.

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Sur le plan géographique, 90 % des factures impayées hors délai sont concentrées sur l’axe Casablanca–Rabat. Les secteurs les plus concernés sont l’industrie manufacturière, l’extractif, la distribution d’électricité et le commerce. Plus de 6,66 milliards de dirhams de factures impayées ont été déclarés par le secteur privé, soit 42,4 % du total, dont 80 % émanent d’entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 500 millions de dirhams.

Cette concentration met en lumière une asymétrie persistante : les grandes structures bénéficient souvent de marges de manœuvre financières leur permettant de différer les règlements, au détriment de fournisseurs plus fragiles. Or, selon BAM, près de 1 entreprise sur 4 enregistre des tensions de trésorerie critiques, avec une exposition directe aux retards de règlement dans des filières sensibles comme le BTP, l’agroalimentaire et les services.

La dynamique amorcée reste freinée par une faible généralisation du contrôle, une culture du paiement encore permissive et des moyens limités dans les très petites structures. L’absence de sanctions effectives ou dissuasives réduit l’impact immédiat du texte. De nombreuses entreprises contournent la loi par le biais de clauses contractuelles ambiguës ou de mécanismes de paiement différé masqué.

La transformation numérique, notamment par la facture électronique obligatoire à compter de 2026, est perçue comme le principal levier de transparence. Mais sa mise en œuvre suppose une montée en compétence et un accompagnement renforcé des petites entreprises. À ce jour, seuls 38 % des TPME disposent d’un outil structuré de suivi de créances, selon les données croisées du HCP et de la CGEM.

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