Economie

Tension sur la consommation électrique

En juin, le thermomètre a battu tous les records au Maroc, propulsant la consommation électrique à des niveaux jamais vus. Cette situation lance une alerte vive sur les défis que le dérèglement climatique fait peser sur un réseau national déjà mis à rude épreuve.

Le 30 juin 2025 restera un marqueur climatique et énergétique. Ce jour-là, alors que les températures dépassaient les 45°C dans plusieurs régions du Royaume, la puissance maximale appelée (PMA) a atteint 7.960 mégawatts à 21h30 selon une déclaration de Mme Leila Benali, ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, lundi 14 juillet 2025, à la chambre des représentants. Un record historique, dépassant de 400 MW celui enregistré l’année précédente.

En effet, derrière ce pic, se profile une tendance lourde. Selon un rapport de la Direction générale de la météorologie, présenté le vendredi 20 juin 2025, le Maroc se réchauffe plus vite que la moyenne mondiale, avec une anomalie thermique de +1,49°C en 2024, et des projections alarmantes annonçant +2.3 à +2.9°C à l’horizon 2050. D’ici là, le nombre de jours dépassant 37°C devrait doubler, notamment sur les plaines atlantiques.

Été sous haute tension

Historiquement enregistrées en hiver, les pointes de consommation se décalent désormais vers l’été. Selon le rapport du National Renewable Energy Laboratory (NREL), publié en août 2021, l’écart entre les saisons, qui était de 1,5 GW en 2010, pourrait s’inverser d’ici 2035, nécessitant un recalibrage complet des capacités de production, de transport et de distribution. D’autant que, selon les projections du NREL, la pointe annuelle pourrait dépasser 11 GW dès 2030 et grimper jusqu’à 18 GW à l’horizon 2050, dans les scénarios les plus pessimistes.

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Les centrales thermiques, quant à elles, voient leur rendement baisser avec la chaleur (+1°C réduit leur efficacité de 0,5 à 1%) tout en nécessitant davantage d’eau de refroidissement — une ressource de plus en plus rare, selon le rapport de l’International Energy Agency (IEA) publié le 3 juillet 2023. Et les énergies renouvelables ne sont pas épargnées, notamment le solaire photovoltaïque qui perd entre −13,5% et −22,5% de rendement par forte chaleur, tandis que l’encrassement dû à la poussière réduit la production quotidienne de 13 à 15% à Ben Guerir, selon les données du journal Science and Technology for Energy Transition (STET), publié le 19 avril 2024.

L’équation devient alors encore plus complexe lorsqu’on y ajoute le facteur eau. D’ici 2050, le Maroc pourrait tomber sous la barre des 500 m³ d’eau par habitant, un seuil critique selon un rapport de l’ONU publié en 2025. Or, cette eau est nécessaire à la fois pour la production électrique (refroidissement des centrales, centrales CSP) et pour alimenter les stations de dessalement, appelées à jouer un rôle majeur pour sécuriser l’approvisionnement hydrique des villes. Selon les estimations du ministère de l’Équipement et de l’Eau, ces stations généreront une demande supplémentaire de 1,5 à 2 TWh/an, soit l’équivalent de la consommation annuelle d’une ville moyenne, selon le rapport de Fanack Water publié le 15 juillet 2025.

Anticiper les pics de demain

Face à ce constat, plusieurs stratégies d’adaptation se dessinent. À court terme, selon les médias, l’introduction d’une étiquette énergétique obligatoire pour les climatiseurs (SEER ≥ 3.5) pourrait réduire de 20% la consommation électrique lors des périodes de forte demande, dites « de pointe ». Des projets de stockage d’énergie par pompage, comme les STEP d’Abdelmoumen (350 MW) et d’Ifasha (300 MW), offriront une marge de flexibilité de 650 MW d’ici 2032. Sur le plan structurel, la transition vers un mix plus résilient, misant sur l’hydrogène vert et le développement de réseaux intelligents (tarification en temps réel, batteries), permettra de lisser la consommation et d’absorber les pics sans recourir systématiquement aux centrales fossiles.

Sur le plan régional, selon les médias, le Maroc devra renforcer ses interconnexions électriques, notamment avec l’Espagne, afin d’exporter son excédent solaire saharien et d’importer en cas de déficit. Mais les stress climatiques de plus en plus synchronisés dans la région ibérique pourraient limiter cette option. C’est donc vers une autonomie énergétique plus résiliente, mais aussi plus coûteuse, que le Royaume devra s’orienter.

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