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Tension autour de la révision des loyers des biens habous

La revalorisation des loyers des biens habous, enclenchée par le ministère des Habous et des Affaires islamiques, suscite des interrogations au Parlement. Si certains élus saluent une meilleure valorisation du patrimoine, d’autres dénoncent un risque d’exclusion sociale dans un contexte économique tendu.

Les débats qui ont récemment agité la Chambre des conseillers sur la politique locative du ministère des Habous illustrent les tensions persistantes entre exigences budgétaires et considérations sociales. En toile de fond : la revalorisation progressive des loyers des biens habous, opérée par l’administration en vertu du cadre légal en vigueur, mais perçue par certains élus comme un facteur de précarisation pour les occupants, notamment dans les segments les plus modestes.

Au cœur des critiques adressées au ministre M. Ahmed Toufiq, l’accusation d’avoir privilégié une logique de rendement au détriment d’une approche plus inclusive. Certains parlementaires dénoncent des augmentations de loyers jugées excessives ou inadaptées à la réalité socio-économique des bénéficiaires, en particulier dans des zones rurales ou périphériques où le tissu locatif est fragile.

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S’exprimant en commission permanente, plusieurs conseillers ont relayé les préoccupations de leurs circonscriptions, mettant en avant des situations dans lesquelles des révisions tarifaires ont entraîné des déséquilibres, voire des tensions locales. Face à cette montée de critiques, le parlementaire Khalid Setti (Union nationale du travail) a adressé une question écrite au ministre, appelant à des clarifications sur les modalités et les finalités de cette politique.

Dans sa réponse, M. Ahmed Toufiq a tenu à rappeler les fondements juridiques de son action, en s’appuyant sur les articles 80 à 102 du Code des Habous, qui encadrent strictement les modalités de location des biens relevant de cette institution. Il a notamment mis en avant l’article 94, qui impose une hausse minimale de 10 % des loyers pour les biens urbains lors du renouvellement de bail, et l’article 98, qui fixe un relèvement d’au moins 20 % pour les biens agricoles.

« Le développement du patrimoine habous ne saurait se faire au détriment de sa vocation sociale, mais il ne peut non plus ignorer sa dimension économique. Le réajustement progressif des loyers vise à garantir la pérennité financière de ces biens au service de l’intérêt général », a-t-il affirmé, soulignant que les augmentations sont appliquées « progressivement et en tenant compte des spécificités régionales ».

Pour illustrer la démarche, le ministre a cité l’exemple de la Nédharat des Habous de Tiznit, où 64 contrats ont été renouvelés et 5 révisés en 2025, avec des loyers s’échelonnant entre 90 et 1 705 dirhams par mois, soit une augmentation moyenne de 23 %. Une opération présentée comme équilibrée, visant à rattraper des niveaux de location historiquement bas sans bouleverser les équilibres locaux.

Toutefois, cette justification peine à apaiser toutes les critiques. Pour nombre d’élus, la stratégie du ministère gagnerait à intégrer davantage de mécanismes d’accompagnement pour les locataires fragiles, voire à instaurer des paliers différenciés selon les revenus. Certains suggèrent également une meilleure transparence sur les critères retenus pour évaluer la rentabilité des biens habous et les méthodes de révision.

Au-delà de la controverse conjoncturelle, cette polémique met en lumière un enjeu structurel : comment gérer un patrimoine historique à forte charge symbolique dans un cadre juridique modernisé, sans rompre l’équilibre entre valorisation économique et utilité sociale ? La réponse, selon plusieurs observateurs, pourrait résider dans une gouvernance plus participative, intégrant les collectivités territoriales, les acteurs associatifs et les experts fonciers, afin d’élaborer des modèles de gestion plus justes et plus durables.

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