Economie

Ce que dit le BEE 2026

Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) anticipe un redressement progressif de l’économie marocaine à l’horizon 2025–2026. Le dernier Budget économique exploratoire (BEE 2026) souligne toutefois les limites persistantes d’un modèle de croissance tiré par la demande intérieure, mais exposé à des déséquilibres extérieurs durables et à un rendement de l’investissement en déclin.

Le rapport du HCP table sur un taux de croissance du PIB de 4,4 % en 2025 et 4,0 % en 2026. Ce redressement s’inscrit dans une séquence post-crise marquée par l’atténuation progressive des tensions inflationnistes, la relance de l’activité agricole et la vigueur relative de la demande intérieure. Toutefois, comme le souligne le HCP, cette trajectoire reste fragile. Les effets de la sécheresse, les déséquilibres structurels de la balance des paiements et les incertitudes géopolitiques rendent la reprise hésitante.

La dynamique attendue repose essentiellement sur deux piliers : le redressement du secteur agricole, après plusieurs campagnes déficitaires, et la consolidation des activités non agricoles, en particulier industrielles et tertiaires. Mais derrière ces agrégats positifs se cachent des écarts d’efficacité préoccupants, notamment en matière d’investissement.

Après un repli marqué en 2024 (-4,8 %), la valeur ajoutée agricole devrait progresser de 4,7 % en 2025, avant de ralentir à 3,3 % en 2026. Ce rebond s’explique par une production céréalière attendue à 44 millions de quintaux, en hausse de 41 % selon le HCP. Une amélioration bienvenue, certes, mais insuffisante pour retrouver les niveaux de production durable, encore loin de la moyenne décennale de 66,5 millions de quintaux.

Ce sursaut reste fragile. Le secteur agricole continue de dépendre étroitement des précipitations, et les aléas climatiques exposent le modèle à des retournements brutaux. Le HCP note que « l’amélioration reste en deçà du potentiel historique », pointant les limites structurelles du modèle vivrier marocain et l’urgence de sa transformation vers une agriculture plus résiliente et intégrée aux chaînes agro-industrielles.

Lire aussi : Conjoncture : Le HCP anticipe une croissance soutenue mais prudente pour 2025

Le tissu productif non agricole affiche des performances plus homogènes. Le HCP prévoit une croissance de 4,3 % en 2025 et de 4,0 % en 2026, portée par la reprise du BTP, les projets structurants liés aux compétitions sportives internationales, et le dynamisme de certaines branches exportatrices. Mais derrière cette moyenne se dessinent de fortes disparités sectorielles.

Les industries chimiques, dopées par la transformation du phosphate, devraient progresser de 6,6 % en 2025, tandis que le secteur extractif poursuivra sa montée en puissance, porté par le complexe de Mzinda. En revanche, les filières textiles et automobiles restent sous tension. La première peine à retrouver sa compétitivité, malgré les efforts d’intégration, tandis que la seconde subit de plein fouet le déclin de la demande européenne pour les véhicules thermiques.

Surtout, le rapport du HCP souligne un point d’alerte majeur : la faiblesse persistante de la valeur ajoutée dans certains secteurs industriels. Le rendement de l’investissement industriel, mesuré par le ratio ICOR, s’est dégradé au cours de la dernière décennie, révélant une efficacité stagnante malgré des efforts soutenus en capital productif.

Rendement décroissant de la demande intérieure

Le HCP insiste sur la résilience de la demande intérieure, qui reste le principal vecteur de croissance. La consommation des ménages devrait progresser de 3,6 % en 2025, stimulée par la revalorisation salariale, la modération de l’inflation et les transferts sociaux directs. L’investissement brut, en hausse de 9,8 % en 2025, serait soutenu par la mise en œuvre de la nouvelle Charte de l’investissement.

Pourtant, cette dynamique ne suffit pas à masquer un paradoxe récurrent. Malgré des niveaux d’investissement comparables à ceux des pays à revenu intermédiaire, le rendement économique reste faible. Le ratio ICOR marocain – indicateur du rendement du capital – atteint 12,5 sur la période 2010–2019, contre 4,9 pour les pays à revenu intermédiaire inférieur. Ce constat, souligné dans le BEE 2026, questionne l’efficacité des politiques de développement et appelle à une meilleure allocation sectorielle du capital.

Sur le front extérieur, les perspectives demeurent préoccupantes. Si les exportations de phosphates et d’engrais devraient progresser sous l’effet des restrictions chinoises et de la demande européenne, la balance commerciale reste déficitaire. Le HCP prévoit une aggravation du déficit commercial, qui passerait de 19,1 % du PIB en 2024 à 20,1 % en 2026.

Cette dégradation est amplifiée par la hausse des importations de biens d’équipement et de produits alimentaires. Malgré un léger redressement de la production agricole, la facture des importations reste soutenue par la consommation intérieure. La demande extérieure nette devrait ainsi continuer à peser négativement sur la croissance, à hauteur de -1,4 point en 2025 et -0,9 point en 2026.

Avec MAP

Continuer la lecture

Bouton retour en haut de la page