Le fisc serre la vis sur les pratiques déclaratives
À Casablanca, Rabat et Tanger, le fisc intensifie ses contrôles sur les garages et services rapides. Ces audits ciblent prioritairement les prestataires intervenant auprès du secteur public et des assurances. Cette offensive fait suite à la détection de nombreuses irrégularités dans les déclarations de revenus, marquant une volonté de normaliser les pratiques fiscales au sein de la filière automobile.
Les investigations menées par les inspecteurs des impôts ont mis en lumière une multitude de contribuables dont la situation financière est jugée suspecte. Cette méfiance découle en grande partie d’une hausse significative de leurs achats de pièces de rechange d’occasion, souvent acquises sur le marché informel sans documentation probante.
Ces professionnels tentent ensuite d’intégrer ces dépenses non justifiées dans leurs charges d’exploitation, minorant ainsi artificiellement leur bénéfice imposable. Face à cette pratique, les instances de vérification régionales et provinciales ont sommé plusieurs acteurs du secteur de fournir les justificatifs manquants. La réponse est quasi unanime : les fournisseurs de ces composants usagés, communément appelés « la ferraille », refusent systématiquement de délivrer des factures lors des transactions.
Au-delà de la simple problématique de la traçabilité, certains assujettis persistent à ignorer les dispositions de l’article 125 bis du Code Général des Impôts (CGI). Ce texte dispose clairement que les opérations de vente et de livraison de biens d’occasion sont soumises à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), conformément aux conditions prévues à l’article 96 du même code. En conséquence, les services de contrôle ont adopté une approche plus rigoureuse. Ils procèdent désormais à l’établissement de l’assiette fiscale sur la base du chiffre d’affaires global, sans accorder la possibilité de déduire les charges que les contribuables prétendent être « réelles » mais qu’ils sont incapables de prouver par des documents officiels. Cette nouvelle orientation des missions d’audit devrait aboutir à la révision fiscale des comptes de dizaines d’entreprises en situation d’infraction.
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Les fournisseurs de pièces d’occasion également concernés par les contrôles
L’enquête ne s’arrête pas aux portes des garages. Les contrôleurs étendent désormais leurs investigations à l’examen de la situation des fournisseurs de pièces détachées usagées. Il a été révélé que la majorité de ces intermédiaires opèrent sous la forme de Sociétés à Responsabilité Limitée (SARL) inscrites aux registres du commerce. Néanmoins, plusieurs cas de fraude fiscale et de manipulation de la facturation ont été identifiés, notamment la revente de pièces d’occasion facturées comme neuves. Ces pratiques frauduleuses ont des répercussions directes sur les demandes d’indemnisation soumises aux assureurs suite à des accidents de la circulation.
Pour les cas les plus graves, l’administration prévoit de recourir à l’article 219 du CGI. Ce dispositif légal lui confère le pouvoir d’examiner la situation fiscale globale des personnes physiques, afin de vérifier la concordance entre leurs revenus déclarés, leurs dépenses réelles et leur patrimoine. L’évaluation du revenu annuel tiendra compte non seulement des biens et avoirs bancaires du contribuable, mais également de ceux détenus par des tiers avec lesquels il entretient des liens étroits, s’il en est le bénéficiaire économique effectif.
En parallèle, les propriétaires de garages expriment leur désarroi face à cette pression administrative. Lors des procédures de vérification, ils insistent sur la nécessité d’une distinction dans l’application des règles d’imposition. Ils jugent inéquitable d’être taxés sur la totalité de leur chiffre d’affaires, incluant la TVA, comme s’ils avaient pu récupérer cette taxe sur l’ensemble de leurs achats, alors qu’il leur est structurellement impossible d’obtenir des factures pour la totalité de leurs acquisitions de pièces usagées. Cette tension met en lumière le défi permanent de l’administration fiscale face à l’économie informelle et sa volonté de normaliser un secteur stratégique.

