Le cannabis médical, nouvel atout de l’économie marocaine
En à peine deux ans, le Maroc a profondément métamorphosé la perception et la pratique de la culture du cannabis, en l’inscrivant dans un cadre légal dédié aux usages médicaux et pharmaceutiques. Ce choix stratégique, inscrit dans une logique de développement durable et de valorisation des ressources locales, place désormais cette filière parmi les leviers économiques émergents du Royaume.
Les chiffres témoignent de cette dynamique. En 2025, près de 4.500 hectares ont été consacrés à cette culture encadrée, mobilisant 5.500 agriculteurs regroupés au sein de plus de 360 coopératives, selon l’Agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis (ANRAC). Ce volume traduit une progression fulgurante par rapport à 2024, où l’on recensait 2.169 hectares exploités par 2.647 agriculteurs, et à 2023, année où la superficie ne dépassait pas 192 hectares. Cette montée en puissance illustre à la fois l’attractivité économique de la filière et la confiance accordée au dispositif réglementaire piloté par l’ANRAC.
La variété locale Beldia reste prédominante, couvrant à elle seule environ 4.000 hectares et impliquant 4.400 agriculteurs, d’après l’ANRAC. À l’inverse, la culture de la variété de CBD importée demeure limitée à 500 hectares, freinée par le coût des semences et les contraintes administratives liées à leur importation. Les prix de vente, fixés entre 35 et 150 dirhams le kilo en fonction de la qualité et de la variété, sont déterminés dans le cadre de contrats obligatoires entre agriculteurs et opérateurs, garantissant ainsi équité et transparence.
Lire aussi : Le Maroc autorise la vente de 67 produits à base de cannabis
L’impact économique est déjà significatif. En 2024, la filière a généré un chiffre d’affaires estimé à 200 millions de dirhams, pour une production globale de plus de 4.000 tonnes, dont près de 2.800 tonnes de Beldia et 1.300 tonnes de CBD, toujours selon l’ANRAC. Cette rentabilité croissante explique l’adhésion de nouveaux agriculteurs et l’expansion rapide du secteur. En ce qui concerne la transformation et la commercialisation, 165 opérateurs ont été agréés en 2025, contre 114 l’année précédente. Parmi eux figurent 98 entreprises, 44 coopératives spécialisées et 23 acteurs individuels.
Le développement de cette filière bénéficie également d’un appui décisif du corps médical. Lors du Congrès national de médecine interne tenu à Casablanca le 25 septembre 2025, les sociétés savantes marocaines de médecine interne et de gériatrie, en coordination avec le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), et l’ANRAC ont validé l’usage thérapeutique des produits dérivés du cannabis. Les prescriptions ciblent notamment les patients souffrant de douleurs chroniques, d’anxiété, d’insomnie, d’anorexie ou encore de vomissements. Ces recommandations s’accompagnent d’un cadre rigoureux : diagnostic précis, protocoles de dosage normalisés, suivi médical rapproché et information transparente des patients sur les bénéfices et les risques.
À moyen terme, d’autres disciplines médicales, telles que la neurologie, la gastroentérologie et la dermatologie, devraient intégrer ces recommandations dans leurs pratiques cliniques.
Ainsi, en quelques années seulement, le Maroc est parvenu à transformer une culture longtemps confinée à l’informel en une filière réglementée, génératrice de valeur économique et de progrès médical. L’essor de cette activité illustre la capacité du Royaume à moderniser son agriculture, tout en ouvrant de nouvelles perspectives thérapeutiques et industrielles, au service de la santé publique et du développement national.