Economie

L’État mise sur la loi 80-14 pour codifier un secteur encore non classé

Le Maroc voit se multiplier les locations de courte durée proposées sur des plateformes comme Airbnb. Dans des villes touristiques comme Marrakech et Casablanca, ce marché s’impose désormais comme une composante non négligeable de l’hébergement, mais reste difficile à quantifier avec précision.

Les locations courte durée au Maroc restent attractives, mais peinent à être intégrées comme secteur légal à cause d’absence de classification. Selon les estimations de la plateforme d’analyse Airbtics, Marrakech compterait près de 9 648 annonces actives en 2025, avec un taux d’occupation moyen de 64 % et un revenu annuel estimé à environ 179 000 dirhams par logement. À Casablanca, le nombre d’annonces oscillerait entre 1 500 et 5 700 selon les sources, pour un revenu moyen avoisinant 100 000 dirhams par an.

Ces chiffres illustrent un dynamisme certain, mais reposent sur des données privées, souvent variables d’une plateforme à l’autre. Ils contrastent avec l’absence de statistiques officielles dédiées à ce segment : ni le ministère du Tourisme, ni le Haut-Commissariat au Plan (HCP) n’isolent aujourd’hui l’activité des locations non classées dans leurs rapports annuels.

Le ministère du Tourisme indique que les établissements d’hébergement touristique classés (EHTC) ont enregistré 28,7 millions de nuitées en 2024, pour des recettes records de 112 milliards de dirhams. De son côté, l’Observatoire du Tourisme rappelle que ces données concernent uniquement les hôtels, riads et maisons d’hôtes officiellement reconnus et contrôlés.

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Ce périmètre exclut une part importante de l’offre effective, car le secteur informel est estimé à plusieurs dizaines de milliers de lits non déclarés, notamment à travers des plateformes numériques. Certains professionnels évoquent jusqu’à 80 000 lits échappant aux statistiques officielles, concentrés dans les zones à forte fréquentation touristique.

Face à cet écart entre l’offre formelle et la réalité du marché, les autorités marocaines se sont attelées à renforcer le cadre juridique. La loi 80-14, adoptée mais encore en cours de mise en œuvre, prévoit la régularisation progressive du secteur non classé. Elle vise à mieux encadrer les locations meublées touristiques, qu’elles soient proposées par des agences, des particuliers ou via des plateformes internationales.

Selon une source autorisée citée par Médias24, cette régularisation devrait générer, à partir de 2027, près de 10 % de nuitées supplémentaires intégrées aux statistiques officielles, contribuant ainsi à une meilleure visibilité du secteur et à une augmentation des recettes fiscales.

Un enjeu fiscal et de compétitivité

La montée en puissance des plateformes de type Airbnb pose un double défi. D’une part, l’équité vis-à-vis des hôteliers et maisons d’hôtes classés, soumis à une fiscalité et à des normes strictes. D’autre part, la compétitivité internationale : les touristes recherchent des hébergements flexibles, abordables et souvent situés au cœur des médinas ou des quartiers centraux, où l’offre hôtelière traditionnelle reste limitée.

La régularisation du secteur, en imposant un cadre légal et fiscal aux acteurs informels, pourrait permettre de mieux valoriser les recettes et d’assurer une plus grande protection des consommateurs, tout en intégrant l’économie collaborative au modèle touristique national.

Le cas d’Airbnb au Maroc illustre l’ambivalence des plateformes numériques dans les pays émergents. Elles créent des revenus significatifs pour les ménages et diversifient l’offre touristique, mais échappent encore largement aux statistiques et au contrôle fiscal.

En s’attaquant à cette zone grise grâce à la loi 80-14, le Maroc espère renforcer la transparence, accroître ses recettes et consolider la réputation d’un secteur touristique qui représente l’un des piliers de l’économie nationale.

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