Akhannouch conditionne la réforme à un accord social
Le chef du gouvernement promet un dialogue social autour de la réforme des retraites, tout en écartant, pour l’heure, un relèvement immédiat de l’âge de départ. Les hésitations passées nourrissent cependant le scepticisme des partenaires sociaux et des experts.
L’exécutif marocain peine à convaincre lorsqu’il aborde la question explosive des retraites. Mercredi soir, dans une allocution télévisée, Aziz Akhannouch a tenté de rassurer l’opinion publique et les syndicats. Tout en rappelant que les pistes antérieurement étudiées incluaient un relèvement progressif de l’âge légal et une hausse des cotisations, il a souligné que son gouvernement privilégierait désormais la concertation. « Aucune mesure ne sera entreprise sans accord préalable avec les partenaires sociaux », a-t-il insisté, se présentant comme garant d’un dialogue « sérieux et responsable ».
Le discours tranche avec les signaux d’alerte répétés par les institutions financières. Selon un rapport conjoint de Bank Al-Maghrib, de l’ACAPS et de l’AMMC, le coût de l’inaction s’accroît année après année. Le déficit du principal régime, la CMR, est attendu dès 2028, même si les ajustements récents en repousseraient l’échéance à 2031. En 2024, les caisses de retraite ont collecté 66,8 milliards de dirhams de cotisations (+8,9 %), mais versé 71,1 milliards de prestations (+5,8 %). Les réserves cumulées, estimées à 327 milliards de dirhams, progressent trop lentement pour compenser le choc démographique du vieillissement.
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Cette dynamique met en évidence un décalage croissant entre les flux entrants et sortants, qui compromet la soutenabilité du système à moyen terme. Pour les économistes, le répit de quelques années ne saurait masquer l’urgence d’une réforme structurelle.
Le chef du gouvernement a rappelé que deux cycles de concertation avaient déjà eu lieu avec les centrales syndicales et que d’autres rencontres impliquant la ministre des finances étaient programmées. Mais ce processus, amorcé depuis plus d’une décennie, souffre d’une constante : la succession de consultations sans débouchés tangibles. Les syndicats craignent que l’exécutif n’utilise le dialogue comme un instrument de temporisation plutôt qu’un vecteur de solutions.
À la Chambre des représentants, l’opposition fustige des « reports successifs » qui fragiliseraient les caisses et reporteraient sur les générations futures le coût d’une réforme différée. Plusieurs députés appellent à une « feuille de route assortie d’échéances précises » pour sortir de l’impasse. Leur critique rejoint un constat partagé : l’absence de clarté stratégique mine la crédibilité des engagements gouvernementaux.
La réforme des retraites s’impose ainsi comme un test de sincérité pour l’exécutif. Les propos mesurés d’Aziz Akhannouch, empreints de prudence, traduisent la difficulté à arbitrer entre impératifs budgétaires et risques sociaux. La mémoire des balbutiements passés alimente la défiance : après avoir longtemps évoqué un relèvement de l’âge de départ, l’exécutif paraît aujourd’hui reculer devant la contestation syndicale, sans présenter d’alternative chiffrée.
À mesure que l’horizon 2031 se rapproche, le Maroc se retrouve face à une équation redoutable : préserver la viabilité financière des régimes sans heurter de front une société déjà éprouvée par l’inflation et la stagnation des salaires. Dans ce contexte, les promesses de dialogue risquent d’apparaître comme une stratégie dilatoire plus que comme l’amorce d’une solution durable.