Westminster pousse Londres à l’action
En interpellant explicitement le gouvernement britannique sur la question sensible du Sahara marocain, Sir Ashley Fox, député conservateur de Bridgwater, brise un silence longtemps maintenu par Londres. À travers deux questions écrites déposées le 30 avril dernier, numérotées 49141 et 49142, l’élu invite ouvertement le Royaume-Uni à évaluer les conséquences économiques et diplomatiques potentielles d’une reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le territoire.
La première interrogation s’adresse directement au secrétaire d’État britannique au Commerce et aux Entreprises. Sir Fox y réclame une analyse rigoureuse des bénéfices et des risques qu’une reconnaissance pourrait engendrer pour les intérêts commerciaux britanniques. La seconde question élargit le débat à une éventuelle coordination interministérielle avec le Foreign, Commonwealth and Development Office (FCDO), visant à anticiper les retombées diplomatiques d’une évolution doctrinale britannique.
Cette démarche s’inscrit dans un contexte parlementaire britannique marqué par des échanges de plus en plus intenses autour du Sahara marocain. Le député conservateur Daniel Kawczynski (Shrewsbury et Atcham), lors d’un récent débat parlementaire, a exhorté fermement le gouvernement britannique à reconnaître explicitement la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Selon lui, une telle reconnaissance alignerait le Royaume-Uni sur ses alliés majeurs, notamment les États-Unis et Israël, ainsi que d’autres partenaires européens comme la France, l’Espagne, l’Allemagne et les Pays-Bas, qui soutiennent ou reconnaissent implicitement la solution d’autonomie proposée par Rabat.
Cependant, ce plaidoyer n’a pas manqué de susciter des réactions divergentes. Sir Peter Bottomley (Worthing West), également conservateur et figure respectée en tant que Père de la Chambre des Communes, a rétorqué en soulignant l’importance fondamentale du principe d’autodétermination pour le peuple sahraoui. Il a mis en garde contre une reconnaissance diplomatique motivée principalement par les seuls intérêts stratégiques britanniques vis-à-vis du Maroc, sans prise en compte des aspirations des populations locales.
Face à ces débats, Kawczynski a insisté sur l’importance stratégique du Maroc en tant que partenaire fiable partageant les valeurs démocratiques occidentales. Il a exposé en détail les risques géopolitiques qu’entraînerait une hésitation britannique prolongée sur ce dossier, notamment face à l’influence de l’Iran en Afrique du Nord. L’élu a rappelé les initiatives marocaines remarquables en faveur des droits humains, du dialogue interreligieux et du développement démocratique. Il a notamment salué les progrès en matière de droits des femmes, illustrant ses propos par les nombreux exemples de femmes marocaines occupant des rôles clés dans divers secteurs de la société et de l’économie, contrastant nettement avec la situation d’autres pays arabes.
Kawczynski a également évoqué l’histoire marocaine pendant la Seconde Guerre mondiale pour illustrer l’engagement de longue date du Maroc envers la protection des minorités religieuses. Il a rappelé que feu le Roi Mohammed V avait résisté aux pressions du régime de Vichy et de l’Allemagne nazie, refusant catégoriquement de livrer la communauté juive marocaine aux autorités nazies. Cet exemple historique renforce, selon lui, la crédibilité morale et diplomatique du Maroc comme partenaire stratégique essentiel.
D’autres voix influentes ont également pris position en faveur d’une révision stratégique de la politique britannique à l’égard du Sahara marocain. Lord Hannan, membre respecté de la Chambre des Lords et président de l’Institut pour le libre-échange (IFE), affirme que toute solution durable à ce conflit nécessite une reconnaissance claire de la souveraineté marocaine. Alicia Kearns, présidente de la puissante commission des affaires étrangères, critique pour sa part la rigidité du discours officiel britannique, qu’elle juge dépassé et déconnecté des réalités contemporaines du Sahara marocain.
Ces débats parlementaires traduisent une prise de conscience à Westminster des enjeux liés au Sahara, où le Maroc intensifie méthodiquement sa stratégie diplomatique et économique. La présence marocaine accrue dans la région s’illustre par l’ouverture de nombreuses représentations consulaires étrangères à Laâyoune et à Dakhla, témoignant d’une acceptation internationale croissante de la souveraineté marocaine sur ces territoires.
Daniel Kawczynski a également rappelé les enjeux sécuritaires, évoquant les efforts considérables du Maroc pour contrôler les flux migratoires clandestins vers l’Europe. Il a souligné le rôle crucial que Rabat joue en empêchant des centaines de milliers de passages clandestins vers les enclaves espagnoles, contribuant ainsi indirectement à la sécurité britannique.
Sur le plan économique, Kawczynski a mis en avant les perspectives prometteuses de partenariat énergétique entre les deux royaumes, évoquant notamment le projet ambitieux de l’entreprise Xlinks, dirigée par Sir Dave Lewis, visant à exporter l’énergie solaire et éolienne du Maroc vers le Royaume-Uni via un câble sous-marin. Ce projet pourrait à terme couvrir jusqu’à 8 % des besoins énergétiques britanniques, illustrant concrètement les bénéfices tangibles d’un rapprochement stratégique avec Rabat.
Les réponses gouvernementales attendues les 5 et 6 mai prochains ne devraient pas trancher définitivement ce dossier. Cependant, les interventions parlementaires révèlent une évolution significative du débat politique britannique sur un dossier aux implications géopolitiques majeures pour le Royaume-Uni et ses relations avec l’Afrique du Nord. L’issue de ces échanges déterminera sans doute une partie de la stratégie diplomatique future du Royaume-Uni envers le Maroc et, plus largement, envers toute la région.