Vers une réduction des exportations agricoles marocaines en France ?
Le projet de loi français visant à instaurer des « clauses miroirs » pour les importations agricoles soulève de vives inquiétudes parmi les producteurs marocains. Cette initiative, qui répond à la concurrence perçue comme déloyale, pourrait restreindre l’accès des produits agricoles marocains, comme les tomates et agrumes, au marché français.
La proposition de loi visant à instaurer des « clauses miroirs » pour les importations agricoles en provenance de pays tiers, déposé le 3 décembre 2024 par le député LR Antoine Vermorel-Marques, a été renvoyé à la Commission des affaires économiques, qui l’a adoptée à l’unanimité après l’approbation de huit amendements sur les 43 examinés. Parmi les discussions qui ont eu lieu, celle concernant les tomates du Maghreb a particulièrement retenu l’attention, notamment en raison de la concurrence jugée déloyale des produits en provenance de cette région.
Cette proposition vise à renforcer la protection des agriculteurs français, en réponse à ce qui est perçu comme une concurrence inéquitable de certains produits agricoles étrangers. Selon les médias, les professionnels du secteur agricole français, ainsi que la Chambre syndicale des importateurs français de fruits et légumes frais, y voient un moyen de défendre les intérêts des producteurs nationaux. Cependant, cette initiative génère également des inquiétudes, particulièrement du côté des producteurs et exportateurs marocains, qui redoutent une multiplication des obstacles pour l’accès de leurs produits sur le marché français. Le Maroc, qui est le premier exportateur de légumes frais hors Europe, réalise environ 58 % de ses échanges agricoles avec l’Europe, et une telle législation pourrait impacter ces exportations, notamment de tomates, d’agrumes ou encore de courgettes.
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Le texte proposé introduit des sanctions administratives et financières contre les importateurs qui ne respecteraient pas les nouvelles règles. Ces sanctions pourraient, en théorie, affecter les exportations marocaines, bien que celles-ci soient déjà régies par des protocoles agricoles qui définissent les volumes, les prix d’entrée et les conditions sanitaires. Actuellement, les exportations marocaines respectent les normes sanitaires et phytosanitaires européennes, ainsi que les critères de commercialisation établis par l’Union européenne.
Cependant, la proposition de loi entend combler un vide juridique dans le cadre législatif français, plus précisément dans l’article 44 de la loi EGALIM. Cet article interdit la vente en France de produits agricoles ne respectant pas les normes européennes, mais il n’interdit pas leur importation. L’objectif de l’article 1er de cette nouvelle proposition est d’interdire explicitement l’importation de produits agricoles ne respectant pas ces standards, établissant ainsi une stricte réciprocité entre les produits français et ceux importés de pays tiers. En outre, cette mesure vise également à protéger la santé publique et l’environnement en garantissant des pratiques agricoles responsables à l’échelle internationale.
L’article 2 de la proposition prévoit des sanctions financières sévères. Les entreprises importatrices pourraient être frappées d’amendes pouvant atteindre 150 000 €, ainsi que des pénalités pouvant aller jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires. Ces mesures sont destinées à dissuader les pratiques non conformes et à renforcer le cadre réglementaire des importations agricoles, en particulier pour ceux qui tenteraient de contourner les exigences sanitaires ou commerciales.
En réponse à ces préoccupations, le Maroc et d’autres pays producteurs se montrent inquiets de l’impact d’une telle loi. Si elle venait à être adoptée, elle pourrait non seulement renforcer la stigmatisation des produits marocains, mais aussi mener à un durcissement des contrôles aux frontières. Ces nouvelles restrictions pourraient compliquer davantage les exportations de fruits et légumes frais, affectant des milliers de producteurs marocains qui dépendent fortement de l’exportation vers le marché français. Les discussions à venir à l’Assemblée nationale française seront donc déterminantes pour l’avenir de ces échanges agricoles entre le Maroc et la France.