une dynamique freinée par la fiscalité
Par Noreddine TAHIRI(*)
Fiscalité des OPCI : un frein injustifié à une dynamique prometteuse
Lors de leur lancement au Maroc, les Organismes de Placement Collectif Immobilier (OPCI) ont suscité une vague d’enthousiasme légitime. Ces véhicules avaient vocation à démocratiser l’accès à un segment jusque-là réservé à une minorité, tout en constituant un levier majeur pour drainer l’épargne nationale vers l’économie réelle. Pourtant leur développement a connu un sérieux coup d’arrêt. En cause : une fiscalité mal calibrée et instable, qui a brisé l’élan d’un secteur encore jeune.
Une naissance tardive, mais porteuse d’espoirs
L’activité réelle des OPCI n’a véritablement débuté qu’en 2020. Entre l’élaboration de la loi 70-14, par le Ministère des Finances, la finalisation des circulaires par l’AMMC, ce n’est qu’à la fin de décembre 2019 que les deux premiers OPCI marocains ont été créés par Ajarinvest. L’écosystème s’est ensuite progressivement structuré. Ce nouveau véhicule venait combler un vide vieux de 27 ans, remédiant à l’absence d’alternative solide autre que les OPCVM de 1993, pour drainer massivement l’investissement privé.
Une dynamique spectaculaire… puis un coup d’arrêt
Evolution du nombre d’OPCI agréés et de leur actif net
À fin 2024, le marché des OPCI compte 60 véhicules agréés, totalisant un actif sous gestion de près de 97 milliards de dirhams. Toutefois, seuls 54 OPCI sont effectivement opérationnels. Cette différence n’est pas anodine : elle révèle que plusieurs OPCI, bien qu’ayant obtenu leur agrément, n’ont jamais été lancés. En cause, une fiscalité dissuasive qui a freiné leur concrétisation.
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L’évolution de la taille du marché des OPCI peut être scindée en deux périodes distinctes. Entre août 2020 et décembre 2022, la taille de l’actif sous gestion a enregistré une croissance moyenne annuelle de 233 %, tandis que le nombre d’OPCI évoluait à un rythme de 198 %. Cette phase de décollage rapide a montré le potentiel du secteur lorsqu’il est soutenu par un environnement favorable. En revanche, entre décembre 2022 et décembre 2024, le rythme a fortement ralenti : +30 % en moyenne pour l’actif sous gestion et seulement +8 % pour le nombre d’OPCI. Ce changement de dynamique traduit l’effet contraignant d’un cadre fiscal devenu plus restrictif.
D’autre part, il est essentiel de souligner que l’indicateur réellement pertinent pour évaluer le développement de cette industrie n’est pas tant la taille globale des actifs sous gestion, mais le nombre d’OPCI agréés. Sur ce point, la stagnation est manifeste. La cadence des nouveaux agréments a nettement ralenti, ce qui indique que l’activité ne se développe plus au rythme attendu. Ce gel de la dynamique est d’autant plus préoccupant qu’il intervient à un moment où les besoins en financement de l’économie sont criants.
Une fiscalité contre-productive
Ce ralentissement trouve son origine dans un facteur bien identifié : la fiscalité. À l’origine, le régime fiscal des OPCI instauré en 2017 se voulait incitatif. Mais les révisions successives, notamment l’introduction de conditions restrictives en 2023, ont considérablement altéré l’attractivité du dispositif. En semant le doute sur la stabilité du cadre fiscal, ces mesures ont fragilisé la confiance des investisseurs.
Réformer pour relancer
À l’heure où le Maroc cherche à dynamiser l’investissement, à renforcer la bancarisation de l’épargne et à structurer son marché immobilier, il devient urgent de revoir la fiscalité des OPCI. Il ne s’agit pas seulement d’optimiser un régime fiscal, mais de rétablir la confiance et de créer un environnement stable et prévisible. Cela implique une revue des dispositions fiscales des OPCI et la garantie de la pérennité des encouragements fiscaux à mettre en place. Le Maroc dispose là d’un outil stratégique : encore faut-il que le cadre fiscal l’accompagne avec cohérence et stabilité.
Encadré :
Historique de la fiscalité des OPCI au Maroc
La fiscalité des OPCI a été progressivement mise en place pour accompagner leur lancement, mais a connu plusieurs évolutions qui ont influencé leur attractivité.
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(*)À propos de Noreddine TAHIRI
Noreddine TAHIRI est Directeur Général de AjarInvest, première société de gestion d’OPCI agréée au Maroc. Il a joué un rôle central dans la structuration et le développement de l’écosystème des OPCI, en participant activement à l’élaboration de la loi n°70-14, des circulaires réglementaires, du plan comptable et du cadre fiscal des OPCI.
Fort d’une expertise reconnue en immobilier locatif et en structuration financière et de de fonds immobiliers, il a également été Dirécteur Général Délégué de Foncière Chellah, filiale de la CDG, avant de fonder AjarInvest en 2016. Sous sa direction, la société a lancé les premiers OPCI du Royaume, marquant une étape historique dans la modernisation du marché de l’investissement immobilier au Maroc.