Santé mentale des enfants : comment les troubles se manifestent chez les 3 à 6 ans
Parmi les enfants de 3 à 6 ans scolarisés en maternelle, ils sont 8,3 % à connaître au moins une difficulté de santé mentale probable, selon une étude publiée mardi 10 décembre au soir par Santé publique France. Autrement dit, sur un échantillon représentatif de plus de 2 600 enfants, environ un sur douze scolarisé en maternelle dans l’Hexagone est concerné.
Si plusieurs travaux ont été menés auparavant sur la détresse des jeunes, il s’agit de la première enquête nationale sur la santé mentale qui s’intéresse en France aux enfants si petits. Ces recherches ont été réalisées en 2022, en combinant les points de vue des parents et des enseignants qui ont répondu à des questions basées sur le modèle du Stress and Difficulty Questionnaire (SDQ).
Dans le détail, 1,8 % des enfants scolarisés de la petite à la grande section de maternelle présentent des « difficultés émotionnelles », 5,9 % des « difficultés oppositionnelles », 1,9 % des « difficultés d’inattention/hyperactivité ». Des symptômes qui les gêne dans leur vie sociale, que ce soit à la maison ou à l’école. Quels sont les signes à repérer chez les tout-petits ? De quoi ces symptômes-ils le nom ? Réponses avec Vivianne Kovess-Masfety, professeure de psychiatrie et épidémiologiste, spécialisée dans la santé mentale des enfants, qui a participé à l’étude.
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ELLE. L’étude de Santé publique France évoque des difficultés « de type émotionnel, oppositionnel ou inattention-hyperactivité » chez les enfants de 3 à 6 ans. De quoi parle-t-on concrètement ?
Vivianne Kovess-Masfety. Les troubles émotionnels se manifestent, à cet âge-là, par des symptômes d’anxiété et de tristesse. Ce sont des enfants qui ont peur, qui pleurent beaucoup. De façon générale, les troubles émotionnels peuvent désigner des troubles de l’anxiété – de séparation, des phobies, de l’anxiété généralisée ou de la dépression. Néanmoins, il faut être très prudent pour parler de dépression chez l’enfant – on ne sait même pas si ça existe vraiment, et c’est assez peu fréquent à cet âge-là.
Par ailleurs, les troubles oppositionnels sont une forme de trouble du comportement. Les enfants qui en souffrent disent « non » tout le temps, se mettent en colère très facilement, refusent tout. Quant à l’inattention-hyperactivité, cela désigne plutôt des enfants agités, qui n’arrivent pas à se concentrer et/ou qui ne tiennent pas en place. Ces symptômes sont présents chez à peu près tous les petits, mais là, il s’agit d’enfants dont les parents ou les enseignants ont constaté que ça arrivait très souvent.
ELLE. Quelles peuvent-être les différentes causes de ces difficultés de santé mentale ?
V.K-M. C’est toute la complexité de la causalité en santé mentale. C’est-à-dire que c’est un ensemble biopsychosocial. Il y a certainement une partie génétique, mais aussi ce qu’il s’est passé à l’accouchement, l’état de santé mentale des parents (le fait d’avoir des parents anxieux ou dépressifs) – qui est l’un des facteurs de risque les plus importants pour l’enfant.
ELLE. Un enfant qui pleure ou pique des colères est assez répandu. En tant qu’adultes, à quel moment faut-il s’inquiéter ?
V.K-M. Il est important de se poser la question des attentes des adultes vis-à-vis des tout-petits. Aujourd’hui, les adultes n’ont pas forcément de repères, du fait d’être moins entourés d’enfants. Par exemple, un petit garçon de 4 ou 5 ans qui vient de passer une heure dans une voiture et qui se retrouve dans un appartement, sera très certainement agité. Mais entre le normal et l’anormal, c’est assez compliqué, notamment pour les troubles d’hyperactivité, du fait que le niveau tolérance varie d’un adulte à l’autre, ou du parent à l’enseignant.
Pour autant, un enfant qui n’arrive pas à se calmer, que l’instituteur et les parents trouvent différent des autres, on peut se dire qu’il y a un problème. C’est la raison pour laquelle on parle de « difficultés probables » dans l’étude. Pour les troubles d’inattention, ça peut être aussi bien de l’anxiété que de l’hyperactivité. Il est important de faire la différence, car ça ne nécessite pas le même traitement ou accompagnement.
Il est important de ne pas psychiatriser ou psychologiser les hauts et les bas des enfants à tout-va. Il faut être tolérant sur un minimum d’agitation, d’anxiété. Il faut s’inquiéter à partir du moment où les symptômes durent dans le temps et que l’enfant a vraiment l’air d’en souffrir dans son quotidien. Dans ce cas-là, on peut envisager de parler à l’enseignant ou l’enseignante, pour savoir comment ça se passe à l’école et ainsi confronter différents points de vue. Et le cas échéant, demander l’avis d’un psychologue.