Economie

Réforme des EEP : les raisons du nouveau code

Abir Ettayache

Face à des enjeux de gouvernance, le Maroc aborde un nouveau cap. Le Royaume a décidé d’adopter un nouveau code de bonnes pratiques de gouvernance des établissements et entreprises publics (EEP), approuvé par le décret n°2-24-249 du 24 avril 2025, comme l’a annoncé ce mercredi 14 mai 2025 le ministère de l’Économie et des Finances. Ce nouveau code vient réviser celui de 2012, dans l’objectif d’aligner la gouvernance des EEP sur les principes constitutionnels, les recommandations du Nouveau Modèle de Développement (NMD), les dispositions de la loi-cadre n°50-21, la politique actionnariale de l’État adoptée en 2021, ainsi que sur les meilleurs standards internationaux (OCDE, G20).

Dans le cadre de la réforme structurelle du secteur public lancée en 2020 sur les Hautes Instructions de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc adopte un nouveau Code des bonnes pratiques de gouvernance des établissements et entreprises publics. Ce texte remplace le précédent code en vigueur de 2012 et concrétise les engagements pris dans le cadre de la loi-cadre n°50-21 relative à la refonte du modèle de gouvernance des EEP. Il marque une nouvelle étape dans la transformation du secteur public, en cohérence avec les exigences croissantes en matière de transparence, de pilotage des performances et de respect des engagements.

Fruit d’une large concertation menée par le ministère de l’Économie et des Finances à travers la direction des entreprises publiques et de la privatisation, ce code a été élaboré au sein de la commission nationale de gouvernance d’entreprise, avec la participation de plusieurs EEP et d’institutions nationales de référence, telles que la Cour des comptes, le Conseil de la concurrence, l’Autorité Marocaine des Marchés de Capitaux, ONU Femmes et le Club des Femmes Administrateurs. Il s’inspire également des standards internationaux (OCDE, G20) et s’inscrit dans la dynamique impulsée par la nouvelle politique actionnariale de l’État.

Les réformes clés du nouveau code 

Le nouveau Code procède à une révision en profondeur des principes adoptés en 2012, en tenant compte des évolutions institutionnelles, économiques et sociales survenues au cours de la dernière décennie. Il consacre une vision renouvelée de la gouvernance publique, fondée sur un partage du leadership entre les organes délibérants et les directions exécutives, une clarification des obligations de service public, ainsi qu’une transparence accrue concernant les subventions, qu’elles soient directes ou indirectes.

La professionnalisation des conseils d’administration figure également parmi les axes majeurs de cette réforme, avec une attention particulière portée à l’indépendance des administrateurs, à la diversité des profils, à l’évaluation régulière de la gouvernance et à une meilleure représentativité des femmes. Le code met également l’accent sur la gestion proactive des risques, le renforcement de la transparence extra-financière, notamment en matière de climat, et l’intégration des indicateurs ESG dans la stratégie des EEP, afin de favoriser une conduite responsable et durable.

L’ANGSPE sur la réforme des EEP 

La dynamique de réforme des EEP se poursuit à un rythme soutenu selon Abdellatif Zaghnoun, directeur général de l’Agence Nationale de Gestion Stratégique des Participations de l’État (ANGSPE). Des avancées notables ont été enregistrées dans les différents chantiers structurants de cette réforme. S’exprimant lors de la rencontre « Les nuits de la finance », organisée le 13 mai à Casablanca, il a confirmé que le processus de modernisation des EEP est bien engagé et progresse conformément aux orientations fixées.

Parmi les leviers majeurs de cette transformation figure l’amélioration de la gouvernance des EEP. L’ANGSPE œuvre activement à l’instauration de comités spécialisés au sein des conseils d’administration, ainsi qu’à la désignation d’administrateurs indépendants. Ces derniers jouent un rôle clé dans la professionnalisation des organes de gouvernance, en apportant une expertise externe et une capacité de recul essentielle pour renforcer la transparence, l’efficacité et la responsabilité des décisions prises.

D’après Zaghnoun, plusieurs établissements publics ont déjà intégré des administrateurs indépendants, traduisant ainsi la mise en œuvre concrète des principes du nouveau code des bonnes pratiques de gouvernance des EEP. Ce progrès structurel, conjugué aux réformes budgétaires et juridiques en cours, vise à doter les EEP d’un cadre institutionnel plus agile, plus rigoureux et plus transparent, en phase avec les attentes des citoyens, des investisseurs et des partenaires internationaux.

Mais qu’en dit la Cour des Comptes ?

Dans la continuité de cette dynamique réformatrice, le rapport annuel de la Cour des comptes au titre de 2023-2024 soulève des points de vigilance, notamment en ce qui concerne la transformation des établissements publics marchands en sociétés anonymes, prévue par l’article 28 de la loi n°82-20, qui accuse un retard préoccupant. Seuls quelques établissements ont entamé le processus, alors que le délai légal de cinq ans imposé à l’ANGSPE risque de ne pas être respecté. Cette situation est en grande partie liée à la lenteur des ministères de tutelle, responsables de l’initiation des projets de loi nécessaires à cette transformation. La Cour souligne donc la nécessité d’une mobilisation urgente de ces départements pour accélérer le rythme des réformes.

Face à ces constats, la Cour renouvelle plusieurs recommandations stratégiques, déjà émises dans son rapport précédent. Il s’agit notamment de parachever la composition des conseils d’administration de l’ANGSPE et du Fonds Mohammed VI pour garantir leur bon fonctionnement, de transférer la propriété des participations de l’État à l’ANGSPE, de restructurer le portefeuille des EEP marchands et non marchands, de finaliser les liquidations en cours, et de prioriser les projets d’infrastructure à fort impact stratégique.

Cette volonté de renforcer la gouvernance publique, affirmée dans le nouveau code des bonnes pratiques des EEP, contraste toutefois avec certaines dynamiques législatives récentes qui suscitent l’inquiétude des observateurs en matière de transparence. Dans son rapport 2024, Transparency International mentionne notamment l’adoption du projet de loi 03.23, au terme d’un long processus parlementaire.

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