Economie

Le Maroc, nouveau hub africain pour les industriels égyptiens

Hajar Ben Hosain

Attirés par la stabilité économique du Maroc et ses débouchés vers l’Afrique subsaharienne, près de trente industriels égyptiens projettent d’y implanter des unités de production d’ici trois ans. Une dynamique qui illustre la volonté du Caire de renforcer son ancrage au Maghreb, à travers un partenariat économique stratégique avec Rabat, a déclaré Nizar Abou Ismaïl, président du Conseil d’affaires égypto-marocain (CAEM).

Environ trente entreprises égyptiennes envisagent d’implanter des unités de production au Maroc au cours des trois prochaines années, dans le cadre d’une stratégie plus large visant à renforcer la présence économique de l’Égypte au Maghreb. Ce projet s’appuie sur les atouts géostratégiques du Royaume, considéré à la fois comme une porte d’entrée vers l’Europe et un acteur clé du continent africain, en plus de bénéficier d’un vaste réseau d’accords de libre-échange facilitant l’accès à de nombreux marchés occidentaux et africains.

Selon les médias, Nizar Abou Ismaïl, président du Conseil d’affaires égypto-marocain (CAEM), a précisé que les entreprises concernées opèrent dans des secteurs variés, notamment l’agroalimentaire, l’industrie mécanique, les compléments nutritionnels, les pièces détachées automobiles, la pêche hauturière et la construction navale.

Dans le même élan, certains groupes égyptiens cherchent à s’associer à des partenaires marocains à travers des coentreprises, dans le double objectif de réduire les coûts initiaux et d’accélérer la concrétisation de leurs projets industriels.

Abou Ismaïl a déclaré publiquement que les échanges commerciaux entre l’Égypte et le Maroc ont connu un essor inédit depuis plusieurs années, soulignant que l’ensemble des obstacles douaniers et réglementaires a été levé grâce à une volonté commune de renforcer les échanges bilatéraux.

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Des tensions diplomatiques à la coopération économique

L’initiative de près de trente entreprises égyptiennes d’implanter des unités de production au Maroc d’ici 2028 marque un tournant dans les relations bilatérales, longtemps empreintes de tensions diplomatiques. Cette dynamique s’inscrit dans un double mouvement : d’une part, la volonté de l’Égypte de diversifier ses partenariats économiques en Afrique du Nord ; d’autre part, la capacité du Maroc à tirer parti de sa position géostratégique en tant que passerelle vers l’Afrique subsaharienne.

Pour saisir cette évolution, il convient de revenir sur les cycles de crises et de réconciliations qui ont marqué les relations entre le Maroc et l’Égypte, notamment la crise de 2015-2016. À cette période, les liens diplomatiques s’étaient nettement détériorés, en grande partie en raison de la question de la souveraineté du Maroc sur ses provinces du Sud, ainsi que de la réception, par le pays d’al-Sissi, d’une délégation de la milice du Polisario lors d’une conférence parlementaire arabo-africaine organisée à Charm el-Cheikh.

Cependant, dès 2015, un processus de réconciliation s’est amorcé entre les deux pays. Le ministre marocain des Affaires étrangères, M. Salaheddine Mezouar, avait alors qualifié la crise « d’opportunité pour construire un avenir meilleur », en mettant en avant les discussions stratégiques entre Sa Majesté le Roi Mohammed VI et le président al-Sissi. Ce rapprochement s’est traduit par la signature d’accords économiques sectoriels et la mise en place de structures conjointes, à l’instar du Conseil d’affaires égypto-marocain, présidé par Nezar Abou Ismaïl.

Mais à une autre occasion, l’Égypte a adopté une posture jugée ambivalente vis-à-vis de la milice du Polisario. Une délégation militaire égyptienne a en effet participé, aux côtés de membres du Polisario, à un exercice militaire organisé par l’Algérie. Un geste qui a suscité des interrogations à Rabat quant aux véritables intentions du régime égyptien.

Par ailleurs, en février 2025, le ministre chargé des relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement, M. Mustapha Baitas, a annoncé que le Maroc et l’Égypte préparent une réunion ministérielle à caractère économique, dans le but de surmonter les tensions commerciales liées à l’application de l’accord d’Agadir. Signé en février 2004 et entré en vigueur en 2007, cet accord vise à établir une zone de libre-échange entre l’Égypte, le Maroc, la Tunisie et la Jordanie.

Stratégie économique égyptienne : Le rôle pivot de l’Afrique subsaharienne

La stratégie économique de l’Égypte vise à jouer un rôle pivot en Afrique, et le Maroc s’impose comme une solution clé, étant considéré comme une plateforme d’expansion vers le sud. Conscient de ses atouts, le Royaume déploie aujourd’hui son réseau d’influence à travers tout le continent, avec une attention particulière portée à l’Afrique subsaharienne.

En tant que deuxième plus grande économie africaine en 2025, avec un PIB en croissance et une stabilité économique relative, l’Égypte cherche à diversifier ses marchés d’exportation et ses investissements en s’appuyant sur le Maroc comme porte d’entrée vers l’Afrique subsaharienne.

De son côté, le Maroc joue ce rôle de passerelle vers les marchés d’Afrique de l’Ouest, tandis que l’Égypte s’étend naturellement vers l’Afrique de l’Est et centrale. Cette complémentarité géographique constitue le socle de leur stratégie commune visant à renforcer la présence économique arabe en Afrique subsaharienne.

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