Economie

le Maroc bâtit sa puissance bleue

Un vent nouveau souffle sur les côtes marocaines. Le lancement, il y a quelques jours, d’un appel d’offres international pour la création du plus grand chantier naval d’Afrique à Casablanca, marque une étape décisive dans la montée en puissance de l’infrastructure portuaire marocaine. À travers cette opération, le Maroc entend consolider son autonomie maritime, tout en se positionnant comme un leader continental de l’ingénierie navale.

Sous l’égide de l’Agence nationale des ports (ANP), le projet du futur chantier naval de Casablanca se présente comme un véritable pivot de la stratégie maritime du Royaume. L’appel d’offres, ouvert aux entreprises internationales expérimentées, porte sur une concession de trente ans et vise la conception, l’équipement, l’exploitation et la maintenance de cette infrastructure colossale. Elle comprendra, entre autres, une cale sèche de 244 mètres de long sur 40 mètres de large, capable d’accueillir des navires de haute mer, une plateforme élévatrice de 9 000 tonnes, un bassin équipé d’un portique de 450 tonnes, ainsi que 820 mètres de quais pour les opérations d’armement et de maintenance.

L’ensemble s’étendra sur 21 hectares de terrains remblayés, dédiés au soutien logistique et industriel. Un investissement de 300 millions de dollars permettra d’ériger cette infrastructure unique, appelée à devenir un levier majeur d’industrialisation et de montée en gamme du tissu productif national.

Ce chantier naval n’est pas un projet isolé, mais s’inscrit dans une stratégie globale de renforcement de la souveraineté industrielle et militaire du Maroc. Il permettra en effet d’entretenir sur le sol national les bâtiments de la marine royale, tout en attirant les navires commerciaux d’Afrique de l’Ouest et du pourtour méditerranéen, aujourd’hui majoritairement dirigés vers les ports européens pour leurs opérations de maintenance.

Lire aussi : Industrie navale : Renforcement de la coopération Maroc-Corée

Si Casablanca porte désormais l’ambition navale du Royaume, c’est à Tanger Med que le Maroc a, depuis deux décennies, démontré sa capacité à jouer dans la cour des grands. Devenu en quelques années le premier port d’Afrique, Tanger Med est aujourd’hui une plateforme logistique mondiale interconnectée à plus de 180 ports sur les cinq continents. En 2024, il a franchi le seuil des 8 millions de conteneurs EVP traités, un record sur le continent, et s’impose désormais comme une porte d’entrée privilégiée pour le commerce euro-africain et transatlantique.

Articles similaires

Tanger Med n’est pas seulement un port à conteneurs. Il est devenu un écosystème industriel à part entière, regroupant plus de 1 100 entreprises dans des secteurs aussi variés que l’automobile, l’aéronautique, la logistique, ou encore la chimie. L’effet d’entraînement sur l’économie nationale est considérable, tant en termes d’emplois que de transferts technologiques. Il incarne le modèle d’une infrastructure portuaire pensée non pas comme un simple point de passage, mais comme un véritable moteur de transformation économique.
Dakhla Atlantique : l’attente stratégique d’un port en devenir

Plus au sud, un autre chantier retient l’attention de la communauté internationale : le port de Dakhla Atlantique. Toujours en construction, ce futur hub logistique a déjà suscité, rien qu’en 2024, plus de mille visites d’officiels, d’experts et de délégations étrangères, venues de toute l’Afrique, d’Europe, d’Asie et du Moyen-Orient. Tous s’accordent à dire que ce projet, une fois achevé, pourrait profondément bouleverser les routes commerciales de l’Afrique de l’Ouest.

Situé dans une zone stratégique entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne, le port de Dakhla Atlantique est conçu pour accueillir aussi bien des navires de commerce que des activités de pêche industrielle, d’exportation agricole et minière, et de soutien logistique aux projets énergétiques. Il ambitionne de devenir une plateforme régionale de services intégrés, capable d’attirer des flux aujourd’hui captés par les ports de Dakar ou d’Abidjan. À long terme, il pourrait même jouer un rôle central dans le renforcement des corridors économiques Nord-Sud, en lien avec les grandes infrastructures routières et ferroviaires marocaines.

Sur la façade méditerranéenne, le port de Nador West Med, dont les travaux avancent rapidement, complète le maillage stratégique du Maroc. À l’instar de Tanger Med, il vise à devenir un hub énergétique et industriel majeur, axé notamment sur le trafic de produits pétroliers, de vracs solides et liquides, ainsi que sur les conteneurs. L’enjeu est double : désengorger les flux de Tanger Med et offrir une nouvelle interface aux échanges euro-méditerranéens.

Grâce à sa proximité avec l’Europe du Sud et sa connexion aux corridors logistiques intérieurs, Nador West Med devrait renforcer l’attractivité du nord-est marocain et favoriser l’émergence de nouvelles zones industrielles, tournées vers l’export et l’innovation.

À travers ces projets portuaires de grande envergure, le Maroc trace une trajectoire claire : faire de la mer non plus une frontière, mais un moteur de croissance, de souveraineté et d’influence. De Casablanca à Dakhla, en passant par Tanger et Nador, c’est une vision intégrée des ports comme vecteurs de développement industriel, de création d’emplois et d’insertion dans les chaînes de valeur mondiales qui se met en place.

Continuer la lecture

Bouton retour en haut de la page