L’Économiste

Initiative Desert to Power (DtP) dans le Sahel : comment le Maroc pourrait jouer un rôle pivot

Relever le défi de la compétitivité représente l’enjeu majeur du développement des filières photovoltaïques naissantes au Sahel. Face au handicap coût, le Maroc pourrait devenir un hub stratégique d’approvisionnement en composants clés pour l’industrie solaire sahélienne.

Extrait du rapport de la Banque africaine de développement (BAD), intitulé «Harnessing the Sun : A Roadmap for Solar Manufacturing in the Sahel», ou encore «Exploiter le soleil : une feuille de route pour la fabrication de produits solaires au Sahel», il ressort que le Sahel dispose d’un «important potentiel inexploité» dans le solaire photovoltaïque.

Dans ce rapport, la Banque explore le potentiel d’accélération de la production solaire dans quatre pays du Sahel – le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Nigeria et le Sénégal – dans le cadre de l’initiative Desert to Power (DtP), un ambitieux projet de la Banque africaine de développement visant à transformer la région du Sahel en une centrale solaire.

Face aux défis de l’accès à l’énergie et du changement climatique, le développement d’une industrie solaire locale pourrait être un véritable moteur de diversification économique, de création d’emplois et d’investissements directs étrangers pour la région.

Cependant, la faiblesse des chaînes d’approvisionnement locales en composants clés comme le verre, l’aluminium et les boîtes de jonction demeure un frein majeur. Le rapport souligne qu’au Sénégal, au Burkina Faso et en Éthiopie, le coût de production de panneaux solaires serait de 10 à 12% plus élevé qu’en important de Chine à cause de ces pénuries d’intrants. C’est ici que le Maroc, avec son positionnement géographique stratégique et son expérience industrielle, pourrait jouer un «rôle pivot de hub régional» pour soutenir l’émergence de filières solaires compétitives dans ces pays.

En effet, le Royaume dispose déjà d’une capacité de production de verre et d’aluminium qui pourrait approvisionner ces marchés. Le rapport cite, notamment, le Maroc comme l’un des pays pouvant fournir des boîtes de jonction. «En important certains composants depuis l’Afrique, comme le verre du Nigeria, l’aluminium du Ghana et du Nigeria, et les boîtes de jonction du Maroc, le Burkina Faso pourrait atténuer le défi du manque de composants locaux».

Surmonter le handicap coût par une stratégie  d’intégration des chaînes de valeur
Comme indiqué plus haut, la production locale de panneaux solaires au Sénégal, au Burkina Faso et en Éthiopie souffre d’un désavantage coût par rapport aux importations chinoises en raison du manque de compétitivité des intrants clés comme le verre et l’aluminium. Ce surcoût, qui grève lourdement la rentabilité des investissements, trouve son origine dans le faible degré d’intégration de ces pays dans les chaînes de valeur du solaire photovoltaïque.

En effet, l’absence d’une production locale compétitive de composants en amont dans l’industrie les contraint à s’approvisionner auprès de fournisseurs étrangers à des prix peu compétitifs. Une situation qui s’explique par le fait que ces pays ne disposent pas encore d’une industrie locale compétitive capable de produire à moindre coût les principaux composants entrant dans la fabrication des panneaux photovoltaïques, tels que le verre trempé, les encadrements en aluminium, les polymères pour les couches protectrices, etc.

Faute d’un tissu industriel intégré et d’un accès facilité à ces intrants stratégiques, les fabricants locaux se voient contraints de s’approvisionner auprès de fournisseurs étrangers à des prix nettement plus élevés, subissant de plein fouet le renchérissement des coûts de transport et logistique.

Ce surcoût de production constitue un sérieux handicap compétitif face à la concurrence des panneaux chinois, très agressifs en prix en raison des économies d’échelle réalisées par les géants industriels du photovoltaïque et d’une supply chain parfaitement intégrée.

Pour espérer rivaliser sur le terrain des coûts, les filières naissantes au Sénégal, au Burkina et en Éthiopie devront donc impérativement travailler à sécuriser leurs approvisionnements en développant en parallèle des industries en amont, capables de produire ces intrants clés de façon compétitive. Cela passera nécessairement par des investissements conséquents, un cadre attractif pour les investisseurs étrangers, ainsi qu’un important transfert de technologies et de savoir-faire. Un défi de taille, mais indispensable pour asseoir la pérennité de leur industrie photovoltaïque sur le long terme.

Le rôle que pourrait jouer le Maroc

Pour surmonter ce handicap et asseoir la compétitivité de leur filière solaire naissante, ces pays devraient donc prioriser une stratégie visant à développer des chaînes de valeur intégrées et compétitives pour ces intrants stratégiques que sont le verre, l’aluminium, les polymères, les câbles électriques, etc. Cela pourrait passer par la mise en place d’un cadre incitatif (avantages fiscaux, zones économiques spéciales, etc.) pour attirer les investissements nationaux et étrangers dans ces filières en amont du solaire photovoltaïque.

L’objectif étant de mieux valoriser les ressources naturelles et le potentiel énergétique local. Un tel effort d’intégration verticale permettrait de sécuriser les approvisionnements, de réduire la dépendance aux importations et surtout de gagner en compétitivité-coût en bénéficiant d’économies d’échelle et d’un avantage logistique.

Le Maroc, de par sa position géographique et son intégration industrielle avancée, pourrait d’ailleurs jouer un rôle de facilitateur régional en fournissant certains de ces composants clés à des prix plus abordables. Cette stratégie d’intégration progressive des chaînes de valeur, chapeautée par une vision stratégique claire des pouvoirs publics, apparaît donc indispensable pour assurer la pérennité et la compétitivité de long terme des futures filières photovoltaïques de ces pays.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO

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