Economie

Immobilier : Une résilience malgré l’inflation

Le secteur immobilier marocain est indiscutablement l’un des piliers de l’économie nationale, contribuant à hauteur de 7 % du PIB et générant plus d’un million d’emplois directs et indirects. L’année 2024 représente ainsi une année charnière pour ce secteur, qui a connu de nombreuses turbulences ces dernières années. Cependant, grâce à des initiatives gouvernementales comme le programme d’aide direct au logement « Daam Sakane », 2024 marque une étape de redressement et de nouveaux espoirs pour l’avenir du marché immobilier. Amine Mernissi, expert en immobilier, livre une analyse détaillée de la situation du secteur et de ses perspectives, un regard sur les opportunités et les enjeux à venir.

L’année 2024 aura été une année de transition pour le secteur immobilier marocain. En dépit des défis économiques et sociaux qui ont secoué de nombreux secteurs, le domaine de l’immobilier a su s’en sortir honorablement. Ce bilan positif est largement imputable au lancement du programme d’aide direct au logement « Daam Sakane », un dispositif d’envergure destiné à faciliter l’accès à la propriété pour une large frange de la population.

Le programme « Daam Sakane », lancé en janvier 2024, a marqué un tournant dans l’approche du logement social au Maroc. Destiné à répondre aux besoins croissants en matière de logement, il a rapidement suscité un intérêt considérable de la part des citoyens marocains, aussi bien résidents qu’expatriés. Amine Mernissi, expert en immobilier, souligne que « pour une première année, les résultats sont honorables ». En effet, alors que le programme visait à attirer des milliers de demandeurs, environ 130 000 dossiers ont été enregistrés, dont 35 000 bénéficiaires ont déjà vu leur demande aboutir. Un chiffre qui, selon l’expert, « reste remarquable pour une première année, surtout lorsque l’on considère que l’offre de logements n’est pas encore pleinement disponible ».

L’efficacité du programme se révèle dans sa capacité à attirer aussi bien des nationaux que des Marocains résidant à l’étranger, ces derniers représentant environ 23% des demandes. Un phénomène qui témoigne de la pertinence de ce programme, non seulement pour les Marocains de l’intérieur, mais également pour la diaspora. Mernissi ajoute : « C’est un bon signe, car cela montre qu’il existe une réelle demande pour ce type de logements, ce qui est essentiel pour redynamiser le marché immobilier national ».

Un secteur clé de l’économie nationale en crise

Le secteur immobilier marocain est un pilier fondamental de l’économie nationale, représentant plus de 7% du PIB et générant plus d’un million d’emplois directs et indirects. De nombreuses petites et moyennes entreprises gravitent autour de ce secteur, renforçant ainsi son poids économique. Cependant, malgré son importance, le secteur a été confronté à de nombreux défis en 2024. L’inflation persistante, la hausse des coûts des matériaux de construction et la rareté des terrains ont considérablement freiné le développement de nouveaux projets immobiliers.

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Amine Mernissi ne cache pas ses préoccupations concernant ces défis. Il déclare : « Il reste beaucoup à faire, surtout en matière de production immobilière et de la représentativité de l’offre à l’échelle nationale. Aujourd’hui, environ un tiers, voire un quart des demandeurs ont pu accéder à une solution, ce qui signifie qu’il reste encore une large part de la demande à combler ». L’expert pointe également le besoin crucial d’une expansion de l’offre à travers des initiatives privées de promotion immobilière, indispensable pour atteindre les objectifs du programme « Daam Sakane ».

En 2024, le secteur immobilier a dû composer avec une conjoncture économique défavorable. L’inflation a augmenté le coût des intrants, notamment les matériaux de construction, impactant ainsi les marges bénéficiaires des promoteurs immobiliers et ralentissant le rythme des projets. Mernissi souligne : « Malgré toutes les vicissitudes économiques et sociales, nous avons su faire face et obtenir des résultats encourageants. 2024 est donc une année honorable, même si beaucoup reste à faire ».

Cette dynamique est d’autant plus importante dans un contexte où le secteur immobilier, tout en étant stratégique pour la croissance économique du pays, est confronté à des défis structurels. L’impact direct sur les ménages reste considérable, car le prix de l’immobilier continue de peser lourdement sur le pouvoir d’achat, notamment dans les grandes villes. Néanmoins, le programme « Daam Sakane » s’affirme comme un levier essentiel pour rendre l’accession à la propriété plus accessible aux couches sociales les plus fragiles.

CAN 2025 et la Coupe du Monde 2030, des catalyseurs ?

Amine Mernissi confirme que le Maroc se trouve à un tournant déterminant, avec des échéances majeures qui devraient stimuler la croissance économique et l’essor du secteur immobilier. Les événements sportifs de grande envergure, notamment la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et la Coupe du Monde 2030, sont des catalyseurs indéniables qui influencent profondément les projets d’infrastructure et d’immobilier dans le pays. Un optimisme après pour le secteur après avoir traversé une période d’incertitude.

« Je pense que nous allons rester sur cette même tendance haussière », affirme Mernissi. «Nous avons deux échéances majeures, à savoir la Coupe d’Afrique 2025 et la Coupe du Monde 2030, coorganisée avec l’Espagne et le Portugal. Ces événements seront les moteurs d’une croissance soutenue dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) en général, mais aussi spécifiquement pour l’immobilier. » Selon l’expert, ces cinq années à venir devraient être marquées par un essor continu de la construction et de la mise à niveau des infrastructures marocaines, touchant les routes, les autoroutes, les ponts, les chemins de fer, ainsi que les aéroports, avec des extensions majeures attendues.

Le Maroc, actuellement en pleine ébullition en matière de projets d’infrastructure, est en train de transformer ses grandes agglomérations. Casablanca, Rabat, Marrakech, Tanger, Agadir, et Fès connaissent des bouleversements urbains profonds, contribuant à une dynamique urbaine florissante. «Ce qui fait que nous sommes dans un état d’esprit optimiste », poursuit Mernissi, « c’est que deux événements d’une telle envergure représentent d’innombrables opportunités pour les entreprises, qu’il s’agisse des marchés publics ou du secteur touristique. »

En effet, le secteur touristique, de plus en plus diversifié, va bien au-delà de l’hôtellerie traditionnelle. Il inclut également l’investissement locatif, une niche en pleine croissance avec l’essor des plateformes numériques comme Airbnb, Abritel, et Booking, qui transforment les habitudes de consommation touristique à l’échelle mondiale. Cette évolution affecte directement le marché immobilier, puisque des appartements destinés à la location touristique sont de plus en plus demandés.

L’expert souligne également la nécessité d’accompagner cette expansion par des espaces verts, une dimension essentielle pour éviter que le paysage urbain ne se résume à un bétonnage sans âme. « Si c’est uniquement pour construire du béton, cela serait une occasion ratée. Il faut penser à des espaces verts pour une urbanisation équilibrée », précise-t-il. Cette approche plus durable et humaniste devrait se traduire par une meilleure qualité de vie pour les résidents et un cadre plus agréable pour les touristes.

Les chiffres actuels concernant la consommation de ciment témoignent d’une solide dynamique de croissance, avec une augmentation supérieure à 10% des volumes consommés, ce qui, pour Mernissi, constitue un signe fort d’un marché en pleine expansion. « Pour 2025, on peut s’attendre à un trend haussier, et ce même au-delà, jusqu’en 2027», conclut-il.

Diversification des segments

Mernissi met également en avant la diversification des segments immobiliers, soulignant que si l’immobilier résidentiel reste prédominant, il est loin d’être le seul secteur en pleine mutation. L’immobilier professionnel, les bureaux, les espaces commerciaux, ainsi que la logistique occupent une place essentielle dans cette dynamique. Les plateformes logistiques, en particulier, sont devenues un pilier du secteur, bien souvent négligé mais crucial dans le développement économique du pays.

Le foncier, élément fondamental pour la construction de nouveaux projets, demeure également une composante clé du marché immobilier marocain. « Sans le foncier, nous ne pourrions rien développer », rappelle l’expert, insistant sur l’importance stratégique de cette ressource pour soutenir la croissance du secteur.

Après une période d’incertitude jusqu’à la fin de 2020, notamment à la suite de la fin du programme des 250 000 dirhams, le secteur immobilier semble aujourd’hui plus clair dans ses orientations. « De 2021 à 2024, il y avait un flou qui empêchait de définir une direction précise. Aujourd’hui, avec des initiatives comme le programme des directs, le secteur a retrouvé un cap et s’engage sur la voie de la reprise », précise Amine Mernissi.

L’impact de la Coupe du Monde et du tourisme sur l’immobilier

En abordant les grands événements sportifs à venir, Mernissi met l’accent sur l’impact de la Coupe du Monde 2030. Avec un afflux massif de touristes et de fans, l’infrastructure immobilière du Maroc sera mise à rude épreuve. « L’Espagne, par exemple, reçoit habituellement 70 millions de touristes par an, et avec la Coupe du Monde, ce chiffre pourrait atteindre près de 90 millions. Si le Maroc parvient à capter 20 millions de ces visiteurs, ce serait un succès. Cela pourrait porter à 35 millions le nombre total de visiteurs, soit l’équivalent de la population totale du pays », souligne Mernissi. Un tel afflux aurait des répercussions directes sur l’immobilier, en particulier sur le secteur de la location touristique et la création de nouvelles infrastructures.

Cette dynamique devrait bénéficier à l’économie marocaine dans son ensemble, en particulier dans les secteurs du BTP et de l’immobilier. Les projets de grande envergure liés à ces événements serviront à renforcer le tissu urbain du pays et à soutenir l’essor du marché immobilier. Avec des investissements dans les infrastructures et un afflux touristique massif, le Maroc est sur le point de vivre une phase de croissance importante, qui pourrait durer au-delà de 2025.

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