Face à la crise énergétique, l’Europe mise sur le Maroc pour sécuriser son approvisionnement
Hajar Ben Hosain
À l’heure où l’Europe cherche des alternatives durables pour répondre à la crise énergétique et aux impératifs climatiques, le Maroc s’impose comme un acteur incontournable. Fort de ses ressources solaires et éoliennes, et soutenu par des projets d’interconnexion ambitieux, le Royaume attire l’attention des grandes puissances européennes en quête de sécurité énergétique et de transition verte.
À l’issue d’un entretien à Bruxelles avec le commissaire européen à l’Énergie, Dan Jørgensen, la ministre portugaise de l’Environnement et de l’Énergie, Mme Maria da Graça Carvalho, a annoncé mercredi 21 mai 2025 mai qu’un projet de raccordement électrique sous-marin avec le Maroc était désormais à l’étude, en réaction à l’inertie persistante de la France concernant le renforcement des interconnexions énergétiques entre la péninsule Ibérique et le reste de l’Europe.
Cette alternative émerge dans le sillage du blackout massif du 28 avril 2025, qui a mis en lumière la vulnérabilité énergétique de la péninsule Ibérique ainsi que la lenteur du rétablissement de l’électricité, en grande partie liée au faible niveau d’interconnexion avec la France. Durant cette crise, le Maroc a joué un rôle clé en contribuant à la restauration du courant en Espagne, grâce à son infrastructure d’interconnexion directe avec la péninsule.
Vers un câble sous-marin Portugal-Maroc ?
Mme Maria da Graça Carvalho a indiqué que, bien que la connexion avec la France demeure « la plus cohérente et raisonnable », le manque de progrès tangibles incite le Portugal à envisager sérieusement une alternative méridionale, inspirée du modèle du câble sous-marin reliant déjà l’Espagne au Maroc. Elle a reconnu que ce projet serait « plus coûteux », en raison de la distance et de la complexité technique de l’infrastructure, mais qu’il n’est désormais « plus exclu », selon la presse portugaise.
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Le 28 avril 2025, la péninsule Ibérique a été frappée par l’une des pires pannes électriques de son histoire récente, plongeant le Portugal et l’Espagne dans l’obscurité pendant près de dix heures. Ce blackout massif, qui a déconnecté quelque 30 GW de charge électrique, a coûté la vie à au moins huit personnes et paralysé des infrastructures critiques. Au-delà du choc immédiat, cette crise a mis en évidence la vulnérabilité du système électrique portugais et ravive le débat sur la diversification et la sécurisation des sources d’approvisionnement énergétique.
Partenariats stratégiques avec les acteurs internationaux
Grâce à ses ressources abondantes en énergie solaire et éolienne, ainsi qu’à ses projets ambitieux d’interconnexion électrique, le Maroc s’affirme comme un acteur clé de la transition énergétique durable en Europe. Le Royaume bénéficie d’un soutien financier et technique conséquent de l’Union européenne, de la Banque européenne d’investissement (BEI) et de la Banque allemande de développement (KfW), qui ont récemment accordé un financement de 300 millions d’euros à l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) pour moderniser le réseau électrique national et y intégrer davantage d’énergies renouvelables.
Ce financement vise notamment à étendre le réseau de transport d’électricité sur plus de 700 kilomètres et à renforcer sa capacité d’évacuation, condition essentielle pour intégrer de nouvelles capacités renouvelables. Le Maroc ambitionne de porter la part des énergies renouvelables à 56 % de son mix électrique d’ici fin 2027, en développant 12,5 GW de capacités supplémentaires. Parmi les projets phares figure le parc éolien de Jbel Lahdid, qui génère environ 952 GWh par an, soit l’équivalent de la consommation annuelle de 1,2 million de personnes.
Par ailleurs, le Maroc a conclu des partenariats stratégiques avec des acteurs internationaux, dont un méga accord avec des groupes émiratis — TAQA, Nareva et le Fonds Mohammed VI — visant à renforcer la sécurité énergétique et hydrique du pays. Ce partenariat prévoit notamment la réalisation de lignes électriques à haute tension et la construction de centrales à cycle combiné alimentées au gaz naturel.
D’ici 2030, le programme prévoit la construction d’une ligne électrique à courant continu haute tension (HVDC) de 1 400 km reliant le sud au centre du pays, avec une capacité de transport de 3 000 MW. Il inclut également le développement de 1 200 MW de capacités renouvelables et la mise en service de centrales à cycle combiné au gaz naturel à Tahaddart, pour une puissance totale de 1 500 MW.
Dans ce contexte de crise énergétique et d’impératifs climatiques, le Maroc capte l’attention des grandes puissances européennes en quête de diversification de leurs sources d’énergie renouvelable et de sécurisation de leurs approvisionnements. Le Royaume s’impose ainsi comme un partenaire stratégique incontournable pour bâtir un avenir énergétique plus vert et résilient dans la région euro-méditerranéenne. Parmi les projets emblématiques figure Xlinks : ce méga projet transcontinental, estimé à plus de 20 milliards de livres sterling, ambitionne de relier le Maroc au Royaume-Uni via un réseau de 4 000 kilomètres de câbles sous-marins à haute tension. Il permettra de fournir une électricité 100 % renouvelable à quelque 7 millions de foyers britanniques, faisant du Maroc une véritable “centrale énergétique verte” au service de l’Europe.
Cette dynamique positionne le Maroc comme un carrefour énergétique stratégique entre l’Afrique et l’Europe, ainsi qu’un leader régional de la transition énergétique. Le Royaume apparaît désormais comme un acteur capable de contribuer à la sécurité énergétique du Vieux Continent tout en poursuivant ses propres objectifs de décarbonation et de développement durable. Le Partenariat Vert Maroc-UE, lancé en 2022, illustre cette coopération renforcée, centrée sur la durabilité, la transition énergétique et l’ouverture progressive du marché de l’électricité.