Economie

Boeing consolide sa présence malgré les velléités de diversification de la RAM

Alors que le Maroc conforte sa place de leader aéronautique en Afrique, la compagnie nationale Royal Air Maroc renforce ses liens avec Boeing par une nouvelle commande de dix appareils. Malgré des négociations en cours avec Airbus, le constructeur américain confirme sa position dominante dans un écosystème national en pleine expansion.

Le Maroc, fer de lance du développement aéronautique en Afrique, multiplie les initiatives pour consolider un secteur stratégique qui pèse désormais plus de 21 milliards de dirhams à l’export (environ 2 milliards de dollars) et représente l’un des plus forts taux d’intégration industrielle du continent. Avec plus de 140 entreprises opérant dans les métiers de l’assemblage, de l’ingénierie ou de la maintenance, et plus de 20 000 emplois directs, le pays a su s’imposer comme un hub industriel aéronautique incontournable, notamment autour de Casablanca (Midparc) et de la région de Nouaceur.

Dans ce contexte, les décisions d’investissement de la Royal Air Maroc (RAM) sont particulièrement scrutées. La compagnie nationale, pierre angulaire de la politique de connectivité du royaume et acteur clé de sa diplomatie économique, a annoncé en mai 2025 l’acquisition de dix nouveaux appareils Boeing, principalement des B737, destinés à densifier sa flotte moyen-courrier. Cette nouvelle commande vient s’ajouter à une flotte déjà dominée à plus de 80 % par le constructeur américain.

La relation entre RAM et Boeing ne date pas d’hier. Depuis les années 1970, la compagnie marocaine a bâti l’essentiel de sa flotte autour de la gamme Boeing, du 737 au 787 Dreamliner. Aujourd’hui, sur les environ 50 avions en exploitation, plus de 40 sont des appareils Boeing. Ce choix stratégique repose autant sur des considérations techniques que sur des liens historiques, financiers et industriels tissés avec le géant américain.

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Outre la fourniture d’avions, Boeing participe activement au développement de l’écosystème industriel marocain. L’entreprise soutient notamment des programmes de formation, des projets d’assemblage de sous-composants à Nouaceur, et entretient une relation étroite avec les autorités marocaines dans le cadre de la stratégie d’intégration industrielle du royaume.

Des incertitudes techniques et une ouverture à Airbus

Ce leadership de Boeing n’est pas exempt de zones d’ombre. Des incidents techniques récurrents signalés sur certains modèles, notamment les 737 Max, ont récemment poussé RAM à entamer des discussions avec Airbus. Selon des sources proches du dossier, la compagnie examine la possibilité d’une commande de plusieurs A320 et A330, avec des livraisons envisagées à l’horizon 2028. Cependant, le processus reste suspendu à des négociations complexes portant sur les prix, les délais de livraison, et les compensations industrielles exigées par Rabat.

Cette ouverture, bien que symbolique, ne remet pas fondamentalement en cause l’ancrage stratégique de Boeing au Maroc. Les récentes commandes confirment même une volonté d’approfondir cette alliance dans une période charnière : RAM se prépare en effet à intensifier ses liaisons à l’international, en particulier vers l’Afrique subsaharienne, l’Europe et l’Amérique du Nord, à l’approche de la Coupe du monde 2030 coorganisée par le Maroc.

L’aérien, bras armé de l’ambition géopolitique marocaine

L’expansion de RAM et les investissements dans l’aéronautique s’inscrivent dans une vision plus large portée au plus haut niveau de l’État. L’aviation civile, avec ses dimensions commerciale, diplomatique et industrielle, est au cœur de la stratégie du Maroc pour asseoir son leadership continental. Le royaume est aujourd’hui le deuxième pays africain le plus connecté par voie aérienne, après l’Éthiopie, mais avec une ambition claire de devenir le premier hub du continent à l’horizon 2030.

L’aéroport Mohammed V de Casablanca, principal hub de RAM, accueille plus de 10 millions de passagers par an. Et avec plus de 100 destinations desservies, RAM s’impose comme l’un des rares transporteurs africains capables de jouer dans la cour des grands sur le plan international. Cette stature confère à Boeing, fournisseur principal, une position de choix dans la stratégie de projection du Maroc.

En parallèle, les autorités marocaines misent sur le renforcement de la filière aéronautique nationale. Le plan d’accélération industrielle 2021-2026 ambitionne une montée en gamme vers des activités à plus forte valeur ajoutée, comme l’usinage de précision, l’assemblage de cabines, ou encore la production de composants composites. Dans ce cadre, le rôle de Boeing comme partenaire industriel est stratégique, et toute diversification de fournisseurs devra s’inscrire dans une logique d’équilibre des rapports de force technologiques et commerciaux.

À court terme, le ciel marocain continuera d’être dominé par Boeing, et ce malgré les signaux d’ouverture vers Airbus. Le choix de RAM, validé au sommet de l’État, confirme une stabilité des relations entre Rabat et le constructeur américain, dans une période où les enjeux de souveraineté, de connectivité régionale et de compétitivité industrielle s’entremêlent étroitement.

En 2025, Boeing aura donc non seulement consolidé sa présence dans la flotte nationale, mais également réaffirmé sa capacité à évoluer dans un environnement complexe, où les enjeux économiques, diplomatiques et technologiques sont de plus en plus intriqués.

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