Allô, Giulia ? « Je déteste mon corps »
« Chère Giulia,
Je ne sais pas si vous allez pouvoir faire quelque chose pour moi, parce que, franchement, je me désespère… Je suis féministe. Je sais ce que valent les diktats de la minceur – pas grand-chose, au fond. Je sais que les femmes sont trop souvent réduites à leur enveloppe corporelle, alors qu’elles ont tant d’autres choses à offrir. Et moi, j’adore ma vie, mon job, mes amis, mon mec… Tout. Et même moi.
« Je ne veux même plus regarder mon corps dans le miroir, tellement il me dégoûte »
Non, mais sans rire, je m’aime plutôt bien. La personne que je suis, je veux dire : ça, ça va. C’est mon corps, que je déteste. Et, plus précisément, mon ventre : il est mou, il pend, je le hais. Je ne veux même plus le regarder dans le miroir, tellement il me dégoûte. Et le problème, c’est que, du coup, je refuse que mon compagnon le voie. Lui me dit qu’il s’en fout, et qu’il m’aime, et qu’il me désire toujours autant, que ce ventre, pour lui, est surtout le « premier studio de notre premier enfant » – c’est comme ça qu’il l’appelle, et j’avoue que, là, il arrive à me faire sourire… Mais donc, oui, c’est depuis la naissance de notre fils que je n’arrive pas à récupérer mon ventre d’avant. J’étais tellement heureuse d’être enceinte, que je n’ai pas franchement fait gaffe, et maintenant, j’en paye le prix. Je sais que je ne suis pas la seule à vivre ça. Ca doit même vous paraître franchement ridicule, compte tenu de tous les témoignages que vous lisez… Mais justement, c’est la double peine : je trouve ça ridicule moi aussi. Je me trouve ridicule. Comment je peux, moi, tomber dans un piège aussi grossier que celui-là ? Me réduire à mon apparence, à mon ventre, et me soumettre à toutes ces injonctions que je méprise… Franchement, si vous avez ne serait-ce que le début d’une idée pour que j’arrête de me prendre la tête, je veux bien ! »
« Arf… Noémie…
Le démon de la pureté militante vous guette… Attention, spoiler : aussi vrai que personne n’est parfait, aucune féministe ne parviendra jamais à cocher toutes les cases. Tant mieux. Parce qu’avant d’être des militantes, des combattantes, des guerrières, nous sommes aussi des femmes. Et nous avons été petites filles. Biberonnées au patriarcat et à toutes ses croyances – comme celle-ci : sois, au travail, comme si tu n’avais pas d’enfant ; sois mère comme si tu n’avais pas de travail ; sois avec ton compagnon (ou dans l’espace public), comme si tu n’avais ni travail, ni enfant. Et là… Si vous avez le sentiment qu’on nous demande l’impossible… Vous n’avez pas totalement tort. Voire complètement raison, mais bref.
« L’arrivée d’un enfant, ça veut surtout dire que l’inconscient s’agite »
Vous êtes devenue mère, Noémie. Et ça, ça ne suppose pas seulement que le corps se transforme – là-dessus, je pense qu’on est ok, vous avez pigé. L’arrivée d’un enfant, ça veut surtout dire que l’inconscient s’agite et que tout un tas de choses qui touchent à la maternité commencent à venir gratouiller en surface. C’est quoi, une mère, pour vous ? Quels modèles avez-vous eu autour de vous ? Quelle place a pris votre enfant, dans votre vie ? Et quelle était la vôtre, quand vous êtes née ? Je crois que le début de mon idée se situe par là. Dans toute ces questions que vous allez soulever, dans toutes ces réponses que vous allez trouver. Parce que ce qui se reflète dans le miroir est toujours moins intéressant que le regard qu’on pose dessus. Remettez votre ventre à sa place… De ventre. Et concentrez-vous sur vous. Comme vous le feriez avec une amie. Avec bienveillance, et empathie. »